Mon cadavre est doux comme un gant
Doux comme un gant de peau glacée
Et mes prunelles effacées
Font de mes yeux des cailloux blancs.
Deux cailloux blancs dans mon visage,
Dans le silence deux muets
Ombrés encore d’un secret
Et lourds du poids mort des images.
Mes doigts tant de fois égarés
Sont joints en attitude sainte
Appuyés au creux de mes plaintes
Au nœud de mon cœur arrêté.
Et mes deux pieds sont les montagnes,
Les deux derniers monts que j’ai vus
À la minute où j’ai perdu
La course que les années gagnent.
Mon souvenir est ressemblant,
Enfants emportez-le bien vite,
Allez, allez, ma vie est dite.
Mon cadavre est doux comme un gant.
Louise de Vilmorin Fiançailles pour rire, 1939
Images : Jacopo della Quercia Ilaria del Carretto, cathédrale de Lucques
en haut, Site Flickr
en bas, Site Flickr
Saisissante étrangeté de ces photos mises en lien sous les mots de Louise de Vilmorin (dont de ce visage repris dans la vignette en haut , à gauche, tant il contraste avec ces visages de femmes, celui inscrit dans le marbre et dans le poème (Ilaria des Caretto) et celui, connu de Louise de Vilmorin. Inquiétante femme au regard fixe caché dans ce voile de cheveux...) Et ce noble gisant aux pieds duquel repose le chien fidèle (Jacopo della Quercia). Ce montage subtil rend presque insolent le titre de l'ouvrage "fiançailles pour rire". La musique de Poulenc qui aimait composer sur les poèmes de ces amis, la voix enfin (Mady Mesple) nimbent tout cela de beauté indéfinissable. On ne sait plus, venant de cette séduisante femme un peu Don Juan, comment se lient et se lisent ces mots avec lesquels si souvent elle joue.
RépondreSupprimerLe poème de ce jour devient une œuvre surréaliste qui ferait sourire Cocteau - ici présent. Sous le charme !
Cette photo de Louise de Vilmorin "échevelée" est en effet très étonnante, tant elle est loin de l'image habituelle que l'on a de l'élégante dame de Verrières, de la brillante causeuse que l'on pouvait voir à la télévision dans les années soixante, dans son salon ou sur le plateau des émissions "Bienvenue" de Guy Béart. C'est comme si Louise nous offrait ici son autre visage, plus noir, plus inquiétant, le visage hiératique aperçu derrière le rideau des mèches de celle qui a écrit ces poèmes mystérieux et funèbres, à l'image de celui que je cite dans mon message.
SupprimerEn fait, la réalité de cette photo est beaucoup plus prosaïque, puisqu'il ne s'agit que d'une séance de coiffure pour un article sur la chevelure, paru dans un magazine de mode (sur la photographie originale, dont on ne voit ici qu'un détail, on aperçoit d'ailleurs sur la droite les mains du coiffeur qui ajustent un postiche ) ; il n'en reste pas moins que l'image reste saisissante, et troublante...
Ah ça alors !
SupprimerJe pense aussi au labyrinthe digital gravé sur une pierre du porche de la cathédrale de Lucques... Qui est Ariane ? Qui est Thésée ? Qui est le minotaure ... la mort ? Belle et mystérieuse Toscane qu'une mienne amie me fit découvrir par des photos d'une beauté bouleversante.
RépondreSupprimer