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lundi 15 novembre 2010

Une rose pour Marc Porel



If I should'nt be alive
When the Robins come,
Give the one in Red Cravat
A memorial crumb –

If I could'nt thank you,

Being fast asleep,
You will know I'm trying
With my Granite lip !

Emily Dickinson






Jacques Porel était le fils de Réjane, et le père de Jacqueline Porel, la mère de Marc Porel. Réjane, son fils et son arrière petit-fils reposent aujourd'hui dans le même tombeau, au cimetière de Passy. Je cite ici un extrait du très bel ouvrage de souvenirs publié par Jacques Porel en 1951 aux éditions Plon, Fils de Réjane. Dans ce passage, il évoque la mort de sa mère:

«Dieu qu'elle était petite, lorsque je l'eus étendue !


(...)


Celle qui, après avoir été pauvre, avait gagné des fortunes pour les jeter ensuite par les fenêtres. Celle qui faisait dire à ses amis qu'elle était encore plus étonnante dans la vie qu'au théâtre jusqu'à l'instant où ils la retrouvaient en scène et alors toute la question se posait à nouveau. Celle qui avait trouvé les meilleurs raccourcis entre le rire et les larmes et qui – à cet égard – était assurée d'emporter son secret avec elle. Celle qui avait, sur la scène comme dans la vie, du charme et de l'autorité, de la malice et de l'émotion, du comique et du pathétique, parce que la vie est, ainsi, exposée de tous les côtés à la fois, aux vents de la joie et de la douleur. Celle qui, toujours semblable à elle-même, n'en finissait pas, à elle seule, d'être une multitude, – cette femme, ma mère enfin ! que des foules avaient vu vivre au théâtre depuis quarante ans, il m'était donné, à moi tout seul, de la voir mourir.

Tel était le monstrueux honneur que me faisait la Providence : être l'unique spectateur de ce spectacle unique. Ma mère, petite et immobile, sous mes yeux éblouis par le chagrin.
J'avais enfin compris : c'en était fait. Je n'étais plus rien que sa pauvre victime.
Il faudrait des mots simples, aigus – des mots qui piquent, des mots qui cognent – pour dire, aujourd'hui, ce que je ressentis alors. Ma mère, cette femme immense, elle tenait peu de place.

Et pourtant, les grands résultats obtenus par ce petit être que la mort livrait à ma curiosité, mon cœur les évoquait. Il est vrai de dire qu'ils atténuaient ma douleur.
Comme dit le langage courant, sa vie avait été courte mais bien remplie.
Enfant durant le siège de 1871, elle mourait au lendemain de la Grande Guerre, jeune encore mais ayant aimé, ayant été adorée, ayant fourni, toute sa vie, un travail considérable qui ne serait pas oublié de sitôt.
Elle évitait la vieillesse, les infirmités de l'âge. Elle disparaissait, comme doit faire une actrice, d'un coup, en pleine célébrité. Que regretter pour elle ? Comme l'ennui, le regret n'était pas son affaire.»




A propos de Marc Porel, voici quelques lignes extraites du recueil de souvenirs de Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (éditions Robert Laffont, 2000) :

«Pour son film Un homme de trop, Costa-Gavras cherchait un garçon pour jouer le rôle crucial d’un jeune résistant. Il avait vu quelques acteurs, aucun ne lui convenait. Il me demanda de l’aider à chercher l’acteur idéal pour le rôle.
A l’époque, j’étais en train de synchroniser un film à La Garenne-Colombes. Un jour, entre deux séances, j’allai au bar du studio pour prendre un café. Et là, je vis un garçon superbe. Âgé d’une vingtaine d’années, il avait une beauté sauvage. En riant, je m’approchai de lui.
« Vous voulez faire du cinéma ? »
Il me regarda, un peu surpris, et me répondit par une amabilité du style : « Va te faire cuire un œuf, tu n’es pas mon genre. »
En plus, il avait du caractère. Très bien pour le rôle ! J’insistai donc…
« Je ne blague pas. Costa-Gavras est en train de préparer un film et nous cherchons quelqu’un comme vous… »
Il devint tout de suite plus attentif.
« Ah bon ?
– Oui, oui, vraiment. Téléphonez demain à ce numéro. Comment vous appelez-vous ?
– Marc Porel. »
Il était le fils de Jacqueline Porel. Costa le reçut, l’engagea tout de suite, et il fut formidable dans le film. Il avait une fougue, une rage, un vrai tempérament d’acteur. Je le vois encore arriver au studio sur sa moto avec sa petite amie – ils étaient magnifiques. Je l’imaginais parti pour une grande carrière d’acteur. Son rôle dans La Horse aux côtés de Jean Gabin lui valut tous les éloges. Il y avait en lui quelque chose d’un Delon jeune, la même insolence, la même allure. Hélas, la mort le faucha en plein vol, cet ange fut emporté par une overdose. Pierre Clémenti, magnifique acteur qui jouait dans le film le rôle d’un milicien, avait lui aussi des problèmes avec la drogue, et sa carrière en souffrit énormément. Sa vie aussi, je suppose. Et pourtant, il avait en lui tous les atouts, une élégance, une aristocratie, une majesté naturelles et une intelligence de jeu indéniable. Je les revois tous les deux, superbes, l’air perpétuellement ailleurs, les joues creuses. Ils traversaient l’existence comme des somnambules.»


"Quello sguardo così triste..."


Je remercie l'auteur du blog Balades dans Paris qui m'a aimablement autorisé à reproduire ici ses deux photographies de la tombe de la famille Porel au cimetière de Passy.

Image de Marc Porel : Site Flickr

6 commentaires:

  1. Très bel article, bien documenté.

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  2. jacqueline porel va les rejoindres au cimetière de passy décédé elle aussi

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    1. Ah, c'est bien triste, mais le destin a été moins cruel avec elle qu'avec son fils et sa petite-fille, puisqu'elle est morte à quatre-vingt-quatorze ans...

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  3. en 1964 j 'ai fait la connaissance de marc au relais de Chaillot , il avait juste 15 ans et celle de pierre clementi quelques années avant , nous faisiont tous les trois partie da la bande du drugstore , nous allions souvent les trois le soir a la Malene rue st Benoit , manger une pizza et boire un rosé ,avant d 'aller au bilboquet,. Apres j 'ai revu porel chez notre copine Dani qui tenait l aventure a la mi 1970 ! de lagatinerie , comme il me disait souvent de l'appeler ! Belle époque !

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