On voit assez longuement [le mont Kråkmo] de la grand-route qui, de Trondheim, en neuf cents kilomètres, franchissant le Cercle polaire, mène à Narvik par Hell, Steinkjer, Mosjøen, et Mo i Rana. [Il] se dresse à droite de la chaussée, de l’autre côté d’un torrent : pentes obliques et boisées, d’abord, puis, comme une colonne ovale jaillissant de ce socle, paroi verticale de pure roche blanche ou grise, selon les heures, dressée vers un haut sommet qu’on imagine de forme ovale, lui aussi, peut-être une prairie lisse, mais de plan incliné, si incliné qu’à l’arrière, peut-être, il rejoint les versants boisés sans que s’interpose entre eux et lui la falaise formidable; et peut-être un bon marcheur, qui sait, quand bien même il ne serait pas alpiniste, pourrait accéder par ce biais à ces hauteurs qu’on veut croire paradisiaques, au moins durant la courte belle saison.
Le mont Kråkmo (Kråkmotinden) a quelque chose de curieusement Art déco dans l’audacieuse originalité et la simplicité de ses formes, accentuées qu’elles sont par le caractère exclusivement minéral de sa paroi principale, qu’on croirait taillée dans un seul bloc de pierre aux reflets d’acier. Mais jamais Art déco, si pur soit-il, n’a atteint à si grandiose effet. On touche en ses parages à quelque chose de sacré, où l’éloignement entre pour autant, sans doute, que la splendeur. L’âme, d’être ainsi loin de tout, pénétrée de la conscience de la longueur inexorable des chemins, tout autour d’elle, s’emplit d’un sentiment d’énormité de l’instant qui la mène à une exaltation sans nom, presque douloureuse, quand elle est confrontée en ces solitudes à pareils chefs-d’œuvre de la nature.
Renaud Camus Demeures de l'esprit, Danemark Norvège éditions Fayard, 2010
Le mont Kråkmo (Kråkmotinden) a quelque chose de curieusement Art déco dans l’audacieuse originalité et la simplicité de ses formes, accentuées qu’elles sont par le caractère exclusivement minéral de sa paroi principale, qu’on croirait taillée dans un seul bloc de pierre aux reflets d’acier. Mais jamais Art déco, si pur soit-il, n’a atteint à si grandiose effet. On touche en ses parages à quelque chose de sacré, où l’éloignement entre pour autant, sans doute, que la splendeur. L’âme, d’être ainsi loin de tout, pénétrée de la conscience de la longueur inexorable des chemins, tout autour d’elle, s’emplit d’un sentiment d’énormité de l’instant qui la mène à une exaltation sans nom, presque douloureuse, quand elle est confrontée en ces solitudes à pareils chefs-d’œuvre de la nature.
Renaud Camus Demeures de l'esprit, Danemark Norvège éditions Fayard, 2010
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