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lundi 6 mai 2013

Le lancinant désir




Jeudi 6 décembre, minuit et demi. (…) À midi, Caroline Broué recevait l’écrivain américain Ron Rash, qui est né dans les Appalaches, qui y vit, qui vient de publier un roman s’y déroulant et qui enseigne la culture appalachienne dans une université de la région. À l’écouter, un formidable désir d’Appalaches me submerge. J’ai traversé ces montagnes en voiture, une fois, en 1969, je crois, avec William B. et son ami Bill Strait. Nous avions fait étape dans une jolie maison de la Virginie-Occidentale, si je ne me trompe, chez des cousins de W. auprès desquels nous avions passé une journée et une nuit. 

(…) 

C’est au cours de ce voyage que nous avons visité Monticello, la maison de Jefferson près de Charlotte, toujours si je ne me trompe. Le paysage était très beau, j’étais très enthousiaste de la région, mais je ne regrettais pas trop de n’en voir que très peu, et très vite, parce que dans mon esprit ce passage-là n’était bien entendu qu’une première et superficielle prise de contact, qui serait suivie sans aucun doute de nombreux autres séjours auxquels je devrais, avec l’âge, une grande et très aimante intimité avec les Appalaches. 




Bien entendu, il ne s’est rien passé de tel. Je ne suis jamais retourné dans les Appalaches, et le plus vraisemblable à présent est que je n’y retournerai jamais. Aurais-je le temps de m’y rendre, ce qui est peu probable, je n’en aurais pas les moyens. Et ce que je viens d’écrire sur les Appalaches, et de mon désir d’elles, je pourrais l’écrire de dizaines et de dizaines d’autres régions de par le monde, du Magne ou du Finnmark, de la Garfagnana ou du pays d’Herve. Voilà pourquoi j’ai trouvé vivre si décevant, si frustrant, si inférieur à mes espérances, dans l’ensemble ; j’ai le sentiment d’avoir à peine touché la terre, de l’avoir très peu et très mal connue, d’avoir raté la plupart de mes relations avec ses provinces, ses paysages, ses jardins dans les villes et ses entrées de village (dans le Gloucestershire). 

L’émission s’est terminée sur la diffusion d’un extrait d’Appalachian Spring de Copland, une musique qui m’est très familière et qui a redoublé ma nostalgie pour des montagnes et des vallées que je connais à peine.

Renaud Camus  Vue d'oeil, Journal 2012  Editions Fayard 







 

Images : (1) Dennis Dimick (Site Flickr)


(3) Noëlle (Site Flickr




1 commentaire:

  1. «Voilà pourquoi j’ai trouvé vivre si décevant, si frustrant, si inférieur à mes espérances, dans l’ensemble ;»

    Cela fait tellement penser à ses mots sur sa mère (le 31 décembre de l'année de sa mort, «paix à son âme déçue», il me semble).

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