Jeudi 6
décembre, minuit et demi. (…) À midi, Caroline Broué recevait l’écrivain
américain Ron Rash, qui est né dans les Appalaches, qui y vit, qui vient de
publier un roman s’y déroulant et qui enseigne la culture appalachienne dans
une université de la région. À l’écouter, un formidable désir d’Appalaches me
submerge. J’ai traversé ces montagnes en voiture, une fois, en 1969, je crois,
avec William B. et son ami Bill Strait. Nous avions fait étape dans une jolie
maison de la Virginie-Occidentale, si je ne me trompe, chez des cousins de W.
auprès desquels nous avions passé une journée et une nuit.
(…)
C’est au cours
de ce voyage que nous avons visité Monticello, la maison de Jefferson près de
Charlotte, toujours si je ne me trompe. Le paysage était très beau, j’étais très
enthousiaste de la région, mais je ne regrettais pas trop de n’en voir que très
peu, et très vite, parce que dans mon esprit ce passage-là n’était bien entendu
qu’une première et superficielle prise de contact, qui serait suivie sans aucun
doute de nombreux autres séjours auxquels je devrais, avec l’âge, une grande et
très aimante intimité avec les Appalaches.
Bien entendu, il ne s’est rien passé
de tel. Je ne suis jamais retourné dans les Appalaches, et le plus
vraisemblable à présent est que je n’y retournerai jamais. Aurais-je le temps
de m’y rendre, ce qui est peu probable, je n’en aurais pas les moyens. Et ce
que je viens d’écrire sur les Appalaches, et de mon désir d’elles, je pourrais
l’écrire de dizaines et de dizaines d’autres régions de par le monde, du Magne ou du Finnmark, de la Garfagnana ou du pays d’Herve. Voilà pourquoi j’ai trouvé vivre si
décevant, si frustrant, si inférieur à mes espérances, dans l’ensemble ;
j’ai le sentiment d’avoir à peine touché la terre, de l’avoir très peu et très
mal connue, d’avoir raté la plupart de mes relations avec ses provinces, ses
paysages, ses jardins dans les villes et ses entrées de village (dans le
Gloucestershire).
L’émission s’est terminée sur la diffusion d’un extrait
d’Appalachian Spring de Copland, une musique qui m’est très familière et qui a
redoublé ma nostalgie pour des montagnes et des vallées que je connais à peine.
«Voilà pourquoi j’ai trouvé vivre si décevant, si frustrant, si inférieur à mes espérances, dans l’ensemble ;»
RépondreSupprimerCela fait tellement penser à ses mots sur sa mère (le 31 décembre de l'année de sa mort, «paix à son âme déçue», il me semble).