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jeudi 13 mai 2010

Teasing


Toi qui pâlis au nom de Vancouver,
Tu n'as pourtant fait qu'un banal voyage ;
Tu n'as pas vu les grands perroquets verts,
Les fleuves indigo ni les sauvages.

Tu t'embarquas à bord de maints steamers
Dont par malheur pas un ne fit naufrage
Sans grand éclat tu servis sous Stürmer,
Pour déserter tu fus toujours trop sage.

Mais il suffit à ton orgueil chagrin
D'avoir été ce soldat pérégrin
Sur le trottoir des villes inconnues,

Et, seul, un soir, dans un bar de Broadway,
D'avoir aimé les grâces Greenaway
D'une Allemande aux mains savamment nues.

Marcel Thiry Toi qui pâlis au nom de Vancouver (1924)


«Nous y sommes, les charmes sérénissimes commencent à agir, je suis captif, presque amoureux. J'ai dîné dans un petit restaurant voisin, delle Zattere, qu'on eût dit d'un vrai port de mer, un soir de morte saison. Puis j'ai marché vers l'ouest, le long des Zattere, justement ; suis tombé sur la gare maritime, interdite d'accès, ai dû rentrer dans les terres, si l'on peut dire, ai touché à Saint-Sébastien, au Saint-Ange-Raphaël, aux Carmine. J'ai suivi des fondamente désertes, San Sebastiano, Briati, Foscarini, isolées, marginales peut-être, mais sans le pittoresque étroit de certains coins de Venise qui ne prétendent pas au monumental. Il y avait de la largeur en ces parages, de la grandeur, de la solitude éternelle, aucun chantage, aucune attente. Venise s'y fait la Bruges du Sud, si peu du Sud, avec deux ou trois miraculeux cafés pour y lire Larbaud, ou Delvaille, ou Thiry

Renaud Camus Vigiles, journal 1987, P.O.L, 1989

Image : Renaud Camus (Site Flickr)

2 commentaires:

  1. J'ai toujours beaucoup aimé les deux tercets de ce poème. Je ne connais d'ailleurs presque rien d'autre de Marcel Thiry (comme tout le monde ?).

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  2. Je n'en connais pas davantage, mais j'ai beaucoup aimé ce que l'on peut lire de lui sur la Toile, par exemple ici...

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