Dal modo di guardare dei toscani, si direbbe che non sono mai testimoni soltanto : ma giudici. Ti guardano non per guardarti, come fanno gli altri italiani, ma per giudicarti : e quanto pesi, quanto costi, e che vali, e che pensi, e che vuoi. E tale è il loro modo di guardarti, che a un certo punto ti accorgi che vali ben poco, o niente. Da questo, e non da altro, nascono l'inquietudine e il sospetto che in tutti i popoli, italiani e stranieri, suscita la sola vista di un toscano.
Com'è, infatti, che tutti si sentono a disagio, e quasi in colpa, in presenza di un toscano ? (Non di fronte a un toscano : ma anche soltanto in sua presenza.) Per qual ragione, dirò nuovamente come ho detto in principio, se a una festa da ballo, a un pranzo nuziale, si affaccia all'improvviso un toscano, tutti ammutoliscono, gli strumenti tacciono, il riso muore sulle labbra dei convenuti ? Com'è che un toscano, a un funerale, par che ci vada per spregio ? e al capezzale di un malato par che ci venga per vederlo morire ?
Per la sola ragione, dirò, che ti guarda in quel suo modo : non per guardarti soltanto, ma per giudicarti. Non per veder come sei fatto, perché ai suoi occhi sei sempre fatto male, ma di che sei fatto : se sei fatto di carne, o d'altra materia più vile, benché sia difficile trovar materia più vile della carne, e quel che hai in corpo, e quel che ti credi d'essere, e quel che sei, e quel che saresti se non fossi quello che sei. E gli basta un'occhiata per contarti i peli del naso.
Non per nulla tutti i popoli stranieri che han preteso d'invadere e di conquistar la Toscana han sempre finito per accorgersi d'esser presi per il sedere : e sempre, per non passar da grulli, han chiesto scusa e se ne sono andati. O, se ci son rimasti, ci son rimasti da grulli, con quell'aria buffa che gli stranieri, specie i prepotenti, han nelle tele dei pittori fiorentini, i quali li dipingevano non soltanto com'erano, ma come apparivano agli occhi dei toscani, che han la virtù di vedere le cose e le persone non solo come sono, ma come paiono. Rara virtù, in che consiste il maggior pregio dell'arte loro : e non dei pittori soltanto, bensì massimamente degli scittori, i quali, sotto il cipiglio e la boria e i berrettoni e i giustacuori e gli elmi e le corazze dei guerrieri, dei Papi, degli Imperatori, dei re, dei Vescovi, dei cortigiani, dei dignitari, san vedere quel che hanno dentro, e san coglierne il ridicolo, e sanno riderne, di quel risolino toscano magro e verde, che i toscani si rigirano fra i denti come un fuscello. Che non è il riso grasso e largo dei lombardi, dei romagnoli, dei romani, né il riso stretto dei liguri e dei piemontesi, né quello purpureo dei napoletani, ma un riso freddo, tagliente, che t'entra per gli occhi come un trapano in un dente.
Curzio Malaparte Maledetti toscani, ed. Mondadori
À leur manière de regarder, on dirait que les Toscans ne sont pas seulement des témoins : ce sont des juges. Ils ne te regardent pas pour te voir, comme font les autres Italiens, mais pour te juger : combien tu pèses, combien tu coûtes, ce que tu vaux, penses et veux. Et ils te regardent d'une telle façon que tu ne tardes guère à t'apercevoir que tu vaux bien peu, et pour ainsi dire rien. C'est de cela, pas d'autre chose, que naissent l'inquiétude et le soupçon que suscite la seule vue d'un Toscan chez tous les peuples, italiens et étrangers.
Comment se fait-il, en effet, que tout le monde se sente mal à l'aise, presque coupable en présence d'un Toscan ? (Pas en face d'un Toscan, mais simplement en sa présence.) Quelle est la raison qui fait, dirais-je à nouveau, comme j'ai dit au début, que dès qu'un Toscan arrive à l'improviste à un bal ou à un repas de noces, les conversations cessent aussitôt, les instruments se taisent, les rires meurent sur les lèvres des invités ? Comment se fait-il qu'un Toscan a toujours un air méprisant quand il assiste à un enterrement ? Et qu'au chevet d'un malade, il a toujours l'air d'attendre sa mort ?
La seule explication réside, selon moi, dans sa façon de te regarder : pas seulement pour te regarder, mais pour te juger. Pas pour observer comment tu es fait, parce qu'à ses yeux, tu es toujours mal fait, mais de quoi tu es fait : de chair, ou bien d'une autre matière plus vile, bien qu'il soit difficile de trouver une matière plus vile que la chair, et ce que tu as dans le ventre, ce que tu crois être, et ce que tu serais si tu n'étais pas celui que tu es. Et il lui suffit d'un coup d'œil pour te compter tous les poils du nez.
Ce n'est pas pour rien que tous les peuples étrangers qui ont eu la prétention d'envahir et de conquérir la Toscane ont toujours fini par s'apercevoir qu'on s'était moqué d'eux : et à chaque fois, pour ne pas passer pour des imbéciles, ils se sont excusés et s'en sont allés. Ou bien, s'il leur est arrivé de rester, c'est en tant qu'imbéciles, avec cet air ridicule que les étrangers, et plus particulièrement ceux qui appartiennent à l'espèce des puissants prétentieux, ont sur les toiles des peintres florentins, qui ne les peignaient pas uniquement tels qu'ils ils étaient, mais tels qu'ils apparaissaient aux yeux des Toscans, qui ont la vertu de voir les choses et les personnes non seulement comme elles sont, mais aussi comme elles apparaissent. Rare vertu, qui fait le prix essentiel de leur art : ceci étant valable pour les peintres, mais bien plus encore pour les écrivains qui, sous l'air renfrogné et la morgue, les grands bonnets et les justaucorps, les casques, les cuirasses des guerriers, des papes, des empereurs, des rois, des évêques, des courtisans, des dignitaires, savent voir ce qu'il y a à l'intérieur, en saisissent le ridicule et savent en rire, de ce petit rire toscan maigre et acide qu'ils tournent entre leurs dents comme un brin de paille. Ce n'est pas le rire gras et massif des Lombards, des gens de Romagne, des Romains, ni le rire pincé des Ligures et des Piémontais, ni le rire majestueux des Napolitains, mais un rire froid, tranchant, qui entre dans les yeux comme une roulette dans une dent.
(Traduction personnelle)
Images (en haut) : Filippino Lippi, fresques de la Chapelle Brancacci, Florence (détail)
(en bas) : statue de Dante, place Santa Croce, Florence (Site Flickr)
Provoquant, magnifique, solitaire et incompris comme sa villa. le Mépris de Godard et celui de Malaparte flamboient rouge !
RépondreSupprimerOui, et irréductible fils de sa terre toscane, pour le meilleur et (parfois) pour le pire... Je profite de l'occasion pour signaler la récente et très belle biographie de Maurizio Serra, "Malaparte, vies et légendes" (Grasset).
RépondreSupprimerJe crois que l'autoportrait est de Filippino Lippi, le fils de Fra Filippo Lippi.
RépondreSupprimerFilippino, bien sûr, vous avez raison ! (Je corrige)
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