«Je fus engagée pour le Cantagiro, un tour d'Italie surréaliste, non du vélo mais de la chanson, qui regroupait les chanteurs les plus populaires de la péninsule. Entre deux étapes, la foule se massait tout au long de la route pour voir passer les voitures décapotables d'où chaque vedette répondait aux vivats par force gestes et sourires. Le spectacle avait lieu tous les soirs dans un stade où chacun y allait de son tube du moment devant une dizaine de milliers de personnes en ébullition. Adriano Celentano était déjà une légende que le public italien vénérait pour son talent et sa personnalité haute en couleur, au point que s'il y avait trop de chahut lors d'une représentation, il suffisait que, tel un pape, il apparaisse et dise trois mots bien sentis pour qu'un silence religieux s'installe aussitôt. J'avais un faible pour Gianni Morandi, aussi adulé à l'époque qu'Eros Ramazotti aujourd'hui, dont le tube que j'écoutais en boucle, Se non avessi più te, était l'une des premières compositions d'Ennio Morricone.
Beau comme un dieu, il se campait sur ses jambes écartées et galvanisait le public en chantant à pleine voix sa magnifique chanson avec un mélange typiquement italien d'énergie, de conviction et de naturel. Jean-Marie [Périer] et moi dinâmes à Paris avec Gianni et son agent. Celui-ci nous apprit qu'au début, son poulain et lui hésitaient entre la boxe et la chanson – seules voies accessibles à quelqu'un du peuple pour faire fortune. Ils avaient décidé de tenter d'abord leur chance dans la chanson, quitte à se retourner vers la boxe en cas d'échec. Devant notre stupéfaction amusée, Gianni nous montra ses mains – grandes, belles et puissantes – comme pour nous convaincre qu'il n'avait pas que ses cordes vocales à son arc...»
Françoise Hardy Le désespoir des singes... et autres bagatelles, Ed. Robert Laffont, 2008
Photographie de Françoise Hardy : Source
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire