Translate

samedi 8 février 2014

Mi accorsi che ero "Piero" (Je m'aperçus que j'étais "Piero")



 THANATOS                                                                                
                                                                             
                                                                                                                           (a Piero Santi)


Alle undici e un quarto
la notte fu tua
affondasti nella poltrona
logora e vecchia.
Forse cominciaste a ridere
tra la bruma insensata della morte
— Si — ridevi sarcastico
di questo fracasso alla ricerca
del tuo sepolcro.
(Mentre già sentivi il tepore amoroso
dell'inferno).

Sergio Miranda



THANATOS

                                                                                                                         (à Piero Santi)

À onze heures et quart
la nuit fut à toi
tu t'es effondré dans le fauteuil
usé et vieux.
Peut-être t'es-tu mis à rire
dans la brume insensée de la mort
— Oui — tu riais sarcastique
de tout ce tintamarre à la recherche
de ta tombe.
(Tandis que déjà tu percevais  la tiédeur amoureuse
de l'enfer).

Sergio Miranda






Un texte de l'écrivain florentin Piero Santi, publié en 1988, deux ans avant sa mort :


Potrei dire "non son chi fui", se sapessi, però chi fui ; del resto, quel che avanza non è solo languore e pianto, come avveniva per Ugo. Non ricordo la mia infanzia, tutto lì ; non so chi ero ; forse, dal mare grigio di quei tempi si isola un’onda chiara, o due... un bambino che fece pipì in classe, in prima elementare, perché non aveva il coraggio di alzar la mano per chiedere alla maestra di uscire ; e una specie di sogno ricorrente di due corpi piccoli, informi, che si avvicinavano, si sfioravano : come due profili nebbiosi. È poco, nulla, direi. Cominciai a sentire di esistere, in qualche modo, nell’adolescenza, dopo i dodici, tredici anni. Ci fu, ovvio, la rivelazione del sesso, la scoperta del corpo mio (gli altri corpi vennero dopo, in mezzo ci furono avvicinamenti teneri e probabilmente anche angosciosi, con gli abiti-schermo, chissà che c’era al di là ; a volte qualcosa di noto, a volte l’ignoto). Però non fu solo il sesso : per lo meno in modo diretto (ma a me, è anche l’ora che lo dica, interessa "quel che avviene" più dei motivi più o meno inconsci per i quali una cosa avviene). Avevo pensieri instabili che mi tormentavano quando camminavo per le vie della mia città, quella Firenze-terrore nella quale ero immerso (vivevo in una casa piena di stanze a due passi dal Duomo ; quando uscivo ero aggredito dalla mole di marmo altissima, dai palazzi-pietra, dallo stridore dei tram, da sguardi che mi impaurivano). 

A un certo momento, anche, mi accorsi che ero "Piero". Un’entità distinta dagli altri ; e il nome rivelava questa diversità ; potrei dire questa solitudine (senza implicazioni sentimentali). Il moi nome non era più una sigla com’è per i bambini ; era un "nome". 

Non mi scuserò di non aver risposto come forse avrei dovuto (ma come ? come ? con l’ipocrisia ? con artifici sottili, ambigui e falsi ?). Il fatto è che le cose stanno così, per me ; almeno ora ; qualche decennio fa, forse, avrei ricordato qualcosa, sentito qualcosa di diverso, ma io esisto ora. Forse, sì, perì di noi gran parte, ma probabilmente non è neppure questo il succo del problema. Il fatto vero è che non sono lontano, come ero anni fa, dalla fine.

Piero Santi  (texte paru dans la revue Salvo imprevisti, n. 43-44, août 1988) 





Je pourrais dire "je ne suis pas celui que je fus", si seulement je savais qui je fus ; d’ailleurs, ce qui demeure ne se réduit pas à la langueur et aux larmes, comme c’était le cas pour Ugo. Je ne me souviens pas de mon enfance, voilà tout ; je ne sais pas qui j’étais ; c’est à peine si, de la mer grise de cette époque, surgissent une ou deux vagues plus nettes... un enfant qui fit pipi en classe, au cours élémentaire, parce qu’il n’avait pas le courage de lever la main pour demander à la maîtresse la permission de sortir ; et une sorte de rêve récurrent de deux petits corps, informes, qui se rapprochaient, se frôlaient : comme deux silhouettes perdues dans le brouillard. C’est peu, et en fait presque rien. Je commençai à m’apercevoir que j’existais, en quelque sorte, au moment de l’adolescence, après treize ou quatorze ans. Il y eut, évidemment, la révélation de la sexualité, la découverte de mon corps (les autres corps vinrent par la suite, entretemps il y eut des approches tendres et sans doute aussi angoissantes, avec l’écran des vêtements, qui sait ce qui pouvait se cacher derrière ; parfois quelque chose de familier, parfois l’inconnu). Toutefois, il n’y eut pas que le sexe, en tout cas pas de façon directe (mais pour moi, il faut bien que je l’avoue, ce qui compte est "ce qui advient", beaucoup plus que les raisons plus ou moins conscientes pour lesquelles les choses adviennent). J’avais des pensées fébriles qui me tourmentaient quand je marchais dans les rues de ma ville, cette Florence terrifiante dans laquelle j’étais plongé (je vivais dans une maison aux nombreuses pièces à deux pas du Dôme ; quand je sortais, j’étais assailli par la gigantesque masse de marbre, par les immeubles de pierre, par le grincement des trams, par les regards qui m’effrayaient). 

Et à un certain moment, je m'aperçus que j’étais "Pierre". Une entité distincte des autres ; et le nom révélait cette diversité ; je pourrais même dire cette solitude (sans implications sentimentales). Mon nom n’était plus une simple appellation, comme il l’est pour beaucoup d’enfants ; il était devenu un "nom". 

Je ne m’excuserai pas de ne pas avoir réagi comme peut-être j’aurais dû le faire (mais comment ? comment ? de façon hypocrite ? en usant d’artifices subtils, ambigus ou faux ?). Le fait est que les choses sont ainsi pour moi, au moins à présent ; il y a vingt ou trente ans, j’aurais peut-être pu me souvenir de quelque chose, éprouver quelque chose de différent, mais c’est maintenant que j’existe. Il est probable qu’une grande part de nous-même a péri, mais là n’est pas l’essentiel du problème. La vérité, c’est que je ne suis pas loin, comme je l’étais il y a quelques années, de la fin. 

(Traduction personnelle)






Les trois photographies sont de Matteo  (Site Flickr)


Pour lire d'autres textes de Piero Santi, cliquer ici.

4 commentaires:

  1. Magnifique et mystérieux cette lucidité à l'approche de la mort (ne fut-ce que celles des illusions...)
    Dans un autre livre, envoûtant, que vous m'avez fait découvrir "Florentiana" de Thierry Laget, il y a ces lignes qui sont comme un écho lointain à ce si beau texte de Piero Santi :
    Alors, sur cet exemple, Florence apprit à l'homme la façon de regarder en soi et, surtout, ce qu'il convenait d'y rechercher. "Tu y vois quelque chose ? demandait-elle en murmurant. - Oui, oui, chuchotait l'homme, mais éclaire-moi encore un peu, s'il te plaît, n'éteins pas déjà la lampe."
    On a vu ce que l'on a vu. Des princesses et des dragons, des cavernes et des soleils lointains. Peu à peu, par la grâce de son bon vouloir, Florence ouvrait la fenêtre sur notre cœur."

    RépondreSupprimer
  2. Je retrouve, aussi,( grâce à votre lien) ce fragment de "Ombre Rosse" de Piero Santi (il est comme prémonitoire du texte que vous nous offrez ce jour) :
    "... Il s’aperçoit alors de façon certaine que la vie ne se réduit pas à la clarté et à l’évidence, mais qu’il y a en elle quelque chose d’insaisissable et d’imprévisible. Parce qu’au-delà des objets qui nous entourent, au-delà même des gestes que nous croyons accomplir en toute conscience, quelque chose d’obscur et de secret nous enveloppe."

    RépondreSupprimer
  3. Si je vous disais que j'ai découvert votre blog grâce à une recherche que je fais sur l'écrivain italien Andrea Bajami et en particulier sur son livre "Toutes les familles"...
    Je crois que je reviendrai ici bientôt ! J'aurais beaucoup à apprendre ici sur l'Italie et la littérature...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je connais ce livre de Bajani (en italien "Ogni promessa", paru en 2010), qui vient d'être traduit en français. Merci de votre visite !

      Supprimer