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mercredi 8 décembre 2010

Comment cela se passera-t-il ?


 


"perché non sapete né il giorno, né l'ora..."





Comment cela se passera-t-il
Ma mort
O faites que ce ne soit pas par une après-midi torride
lorsque toutes les radios par les fenêtres béantes sur le
dimanche
et les télévisions
donnent les résultats sportifs
une mort de film italien vériste
et que s'ouvrent et se ferment les portes des réfrigérateurs
quand les garçons en T- shirt
sentent leur barbe repousser plus vite
à cause de l'hygrométrie
et les robes des femmes sont tachées à l'aisselle
comme de bière chaude ou de pastis
non plus que par un crépuscule mauve
où les pigeons semblent tomber du ciel
Je préférais

Ma mort
que tu me prennes sur un banc
de jardin de palais royal
dans ces contrées du Nord que je connais
sous l'espalier de clématites
Je ne veux pas que ma chair verdisse
et que comme dans l'Évangile on puisse dire Jam foetet
Je veux mourir dans l'herbe grasse
sous les pluies de novembre
au bord d'un frais ruisseau qui sent la menthe
et m'enivrer de la fermentation des pommes
Mais je sais que ça ne se passera pas comme ça

Ma mort
Je mourrai à l'heure de la sortie des bureaux
dans les télégraphes du soir
très loin dans une chambre étroite de Brooklyn
parmi des bouteilles vides
assassiné dans un camion le long des quais
quatre gars m'attendront dans l'ombre
et feront sur ma tête tomber le couperet
au fracas du métro express
ou bien au West Side Hospital
dans l'ichor et la sanie
L'Europe au loin sera en flammes
On m'arrosera à cause de l'odeur
et j'attendrai en vain dans un cercueil de verre
au funeral home
qu'on vienne me reconnaître
Personne ne viendra
Alors j'entrerai dans le four
Où serez-vous qui seuls connaissiez mon visage



Ma mort
Peut-être à la tombée des roses jaunes
à l'aube
quelqu'un me prendra la main m'aidera
et me dira à demain
Il pleuvra et je n'irai pas
Ce sera aussi soudain que l'éclosion d'une pivoine
aussi bref un instant
que le prélude numéro sept en la majeur de Chopin
comme une averse d'été

Ma mort
et mes aimés vous m'oublierez bientôt
Je m'en irai au fil de l'eau

Bernard Delvaille Poèmes en marge de «Faits divers» (in Œuvre poétique, La Table Ronde, 2006)





Images : Funeral home (Site Flickr)

en bas : Prima della Rivoluzione (B. Bertolucci)

Bernard Delvaille sur le site Poezibao

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