Translate

mercredi 4 mars 2015

In memoriam




In memoria

Si chiamava
Moammed Sceab

Discendente di emiri di nomadi
suicida
perché non aveva più
Patria

Amò la Francia
e mutò nome

Fu Marcel
ma non era Francese
e non sapeva più
vivere
nella tenda dei suoi
dove si ascolta la cantilena
del Corano
gustando un caffè

E non sapeva
sciogliere
il canto
del suo abbandono

L’ho accompagnato
insieme alla padrona dell’albergo
dove abitavamo
a Parigi
dal numero 5 della rue des Carmes
appassito vicolo in discesa

Riposa
nel camposanto d’Ivry
sobborgo che pare
sempre
in una giornata
di una
decomposta fiera

E forse io solo
so ancora
che visse

Locvizza, il 30 settembre 1916.

Giuseppe Ungaretti  L'Allegria, 1931






In memoriam

Il s'appelait 
Mohammed Sceab

Descendant d'émirs de nomades
suicidé
parce qu'il n'avait plus 
de Patrie

Il aima la France
et changea de prénom

Il devint Marcel
mais il n'était pas Français
et ne savait plus vivre
sous la tente des siens
où l'on écoute
la cantilène 
du Coran
en savourant un café

Et il ne savait pas 
dénouer
le chant
de son abandon

Je l'ai accompagné
avec la patronne de l'hôtel
où nous habitions
à Paris
au numéro 5 de la rue des Carmes
une ruelle en pente aux murs fanés

Il repose
au cimetière d'Ivry
une banlieue où l'on se croirait
éternellement
dans une journée 
de foire 
qui s'achève

Et moi seul peut-être
sais encore
qu'il a vécu

Locvizza, 30 septembre 1916

(Traduction personnelle) 


Deux émissions très précieuses de la série Archives du vingtième siècle, avec une longue interview (en français) d'Ungaretti :











Images : au centre, Site Flickr

en bas, (1) Site Flickr

(2) Kay Harpa  (Site Flickr)



4 commentaires:

  1. La topographie des lieux de mémoire de Giuseppe Ungaretti fait surgir des présences discrètes, des hommes, des femmes qu'il a côtoyés avec attention et délicatesse. Ici, l'aventure ambiguë de cet homme de l'entre-deux, Mohamed Sceab. Un itinéraire métissé entre deux cultures. Un mal être. Un crépuscule.
    Accompagnement triste de l'ami jusqu'à ce cimetière de banlieue.
    Que révèle ce poème de la vie d'Ungaretti ? N'est-il pas lui-même un grand solitaire ?

    RépondreSupprimer
  2. "Et moi seul peut-être
    sais encore
    qu'il a vécu"
    Trois vers, mine de rien, qui posent une question qui tourmente notre époque : poser une marque dans le temps des autres par notre vie. Est-ce tellement important ? Il suffit qu'un seul être aime penser à vous de votre vivant ou après votre mort pour qu'une vie prenne un sens. Pour le reste, absurdité et non-sens.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce sont en effet ces trois vers qui donnent tout son sens à ce poème, et à son titre "In memoriam". Mohammed Sceab ne vit plus aujourd'hui pour nous que dans ces vers d'Ungaretti, comme Lucien Létinois dans ceux de Verlaine ou Maurice Pilorge dans ceux de Jean Genet...

      Supprimer
  3. Je suis toujours étonnée et passionnée par votre mémoire littéraire. Mais, pour en revenir à la mémoire du passé, le temps et nos émotions tissent des souvenirs où parfois l'imaginaire et le désir inventent de l'oubli bien des métamorphoses. La poésie l'emporte sur la réalité. "Et il ne savait pas /dénouer /le chant /de son abandon"... Nous aussi...

    RépondreSupprimer