"Tyger ! Tyger ! burning bright
In the forests of the night..."
Valerio Zurlini consacre plusieurs pages dans son Journal au récit de son amitié avec Renato Guttuso. Dans le passage que je cite, il se livre à une belle et mystérieuse méditation poétique sur l'un des derniers tableaux du peintre sicilien, La Visite du soir :
«Ogni giorno, al calare della sera, una tigre adulta sale la scala nobile che conduce al primo piano di Palazzo del Grillo. Si muove silenziosamente e non degna di une sguardo le due sentinelle barocche che vigilano sul pianerottolo : la porta che immette nel piccolo giardino pensile all’italiana per lei è sempre aperta, per magica consuetudine.
Intenta ai suoi pensieri – gli animali pensano – attraversa con i movimenti stanchi per una giornata in più il breve spazio fitto di verde incorniciato di case antiche e si dirige verso lo studio di Renato, da dove è uscita alle prime luci dell’alba.
La tigre è un’allegoria, ma di chi ? di cosa ? di quali inquietudini, paure, rimorsi ? del presente o del passato ?
Probabilmente è l’allegoria di poche persone e di tanti momenti di vita, un simbolo del cuore, la metafora arcana di tanti timori e lo specchio angoscioso di una sudditanza dell’anima.
Può essere la compagna di sempre, somigliante anche nei verdi lampi dello sguardo al temibile felino, che si presenta al crepuscolo per reclamare la dose di solidarietà quotidiana che le spetta come l’acqua dell’abbeveratoio dopo lo sforzo di ore che sono state lunghe e aspre : l’oscurità che lentamente sommerge la casa deserta preannuncia i misteriosi pericoli della notte e porta con sé la solitudine, la sconosciuta paura, i ricordi del tempo della libera giovinezza, i rimpianti. Riacutizza anche il dolore di ferite vecchie e nuove, nascoste sotto le splendore del manto logorato da un’esistenza di duelli.
O forse è anche una presenza diversa che già da tempo ha scoperto la traccia segreta di un cuore stanco e si affaccia a pretendere con astuzia e ferocia i diritti del più forte ?
Sarebbe cauta, guardinga, ma l’incertezza e la paura di chi la teme la hanno resa coraggiosa e sicura sino alla spalvaderia. Anche lei attraversa l’esigua terra di nessuno, forte della legittimità dell’egoismo e del debito passionale di chi la attende.
O è la passione stessa, oscura e degenera figliastra del desiderio e della speranza, che se accettata o subita rivela brutalmente la sua fisionomia quasi disumana ? o la gelosia, sua triste compagna di strada ? o la vita stessa, finalmente, che superata la metà del suo cammino confonde i suoi chiari confini e rivela la selva oscura fitta di insidie primitive, restituita all’instinto, resa ancora più enigmatica e crudele dal velo trasparente delle illusioni estreme ?
Con le tigri non si coesiste facilmente, siano esse Shere Khan o la perfetta eleganza di William Blake, vivano sulle rive dell’Amur o nelle fitte foreste del Bengala. Non a caso è l’unico animale assolutamente solitario del creato.
Compatire : dolcissimo verbo italiano, derivato dal tardo latino «cum pati» : soffrire insieme.»
Valerio Zurlini Pagine di un diario veneziano Ed. Mattioli 1885, 2009
«Chaque jour, à la tombée du soir, un tigre monte le majestueux escalier qui conduit au premier étage du Palazzo del Grillo. Il se déplace silencieusement, sans un regard pour les deux sentinelles baroques qui veillent sur le palier : la porte qui donne sur le petit jardin en terrasses à l’italienne est toujours ouverte pour lui, selon une coutume magique.
Absorbé dans ses pensées – car les animaux pensent – il traverse une nouvelle fois avec des mouvements las le petit espace de verdure encadré de maisons anciennes et il se dirige vers l’atelier de Renato, qu’il avait quitté aux premières lueurs de l’aube.
Le tigre est une allégorie, mais de qui ? De quoi ? De quelles inquiétudes, de quelles peurs, de quels remords ? Du présent ou du passé ?
C’est probablement l’allégorie de quelques personnes et de tant de moments de vie, un symbole du cœur, la secrète métaphore de tant de craintes et d’appréhensions, le miroir angoissant d’une sujétion de l’âme.
C’est peut-être l'image de la compagne de toujours, celle dont le regard aux lueurs vertes ressemble tant à celui du redoutable félin, qui arrive au crépuscule pour réclamer la dose de solidarité quotidienne qui lui revient, comme l’eau de l’abreuvoir après de longues et rudes heures d’effort : l’obscurité qui submerge lentement la maison déserte annonce les mystérieux périls de la nuit et entraîne avec elle la solitude, la peur inconnue, les souvenirs du temps de la jeunesse insouciante, les regrets. Elle ravive même la douleur de blessures anciennes ou nouvelles, dissimulées sous la splendeur d’un manteau usé par une vie de duels.
Mais c’est peut-être aussi une présence différente, lancée depuis longtemps sur la piste secrète d’un cœur fatigué et qui surgit pour exercer avec ruse et férocité les droits du plus fort ?
Le fauve devrait être prudent, circonspect, mais la réserve et la peur de ceux qui le craignent l’ont rendu intrépide et sûr de lui jusqu’à l’effronterie. Il traverse lui aussi ce no man’s land exigu, fort de la légitimité de l’égoïsme et de la dette passionnelle de ceux qui l’attendent.
Ou représente-t-il la passion elle-même, fille obscure et dégénérée du désir et de l’espoir, qui, acceptée ou subie, révèle brusquement son aspect presque inhumain? Ou la jalousie, sa triste compagne de route ? Ou bien la vie elle-même, finalement, qui lorsque l’on a atteint la moitié du chemin brouille ses claires limites et révèle la forêt obscure de pièges primitifs, redevenue instinctive, rendue encore plus énigmatique et cruelle par le voile transparent des illusions ultimes ?
On ne peut pas coexister facilement avec les tigres, qu’il s’agisse de Share Kahn ou de la parfaite élégance de celui qu’évoque William Blake, qu’ils vivent sur les rives de l’Amour ou dans les forêts profondes du Bengale. Ce n’est pas un hasard s’il s’agit du seul animal absolument solitaire de la Création.
Compatir : c’est un verbe très doux, dérivé du latin tardif «cum patio», souffrir ensemble.»
(Traduction personnelle)
Images : en haut, Renato Guttuso, La Visita della sera (1980)
au centre, Renato Guttuso, Giardino di Palazzo del Grillo (1981)
en bas, Guttuso devant Palazzo del Grillo (Source)
Quelle belle allégorie et quelle finesse d'analyse de la passion amoureuse...
RépondreSupprimerOui, et c'est aussi un texte très étrange, et très difficile à traduire. Il y a en particulier le fait que "tigre" soit un nom féminin en italien ; cela brouille souvent les pistes et je ne suis pas sûr d'avoir trouvé les bonnes solutions en français. Il est bien possible que je me sois perdu avec le tigre dans quelque forêt profonde...
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