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mercredi 19 septembre 2012

La leçon de la Sainte-Victoire




"Lorsque sur le premier haut plateau je me retournai pour voir la montagne, ses flancs, de nouveau, étincelaient comme une fête (il y avait même un endroit qui brillait comme s'il y avait là une veine de marbre) ; au coup d’œil suivant, cette lueur, loin en bas dans une forêt de pins, semblait, à travers les pointes des arbres, une robe de mariée accrochée là. Continuant mon chemin, je lançai une pomme qui se mit à tourner dans l'air, reliant mon sentier à la forêt et au rocher." 

Peter Handke La leçon de la Sainte-Victoire, Gallimard, 1985







Paul Cézanne, l'uomo che voleva diventare una montagna

A me le montagne non piacciono (troppo ripide, così stupidamente vicine al cielo), ma sentite qua. Da Aix, dove era tornato a morire, lui ne vedeva una, la Sainte-Victoire, così attraente che nei colori dell'anima – il bianco, il violetto, il grigio nuvoloso – la ritrasse almeno sessanta volte, come se volesse diventare lei. Andate e vedrete : ne restano dappertutto, due a Zurigo, una a Cardiff, una a Basilea e un'altra (la stessa) a Philadelphia. Fatto sta che in questa laboriosa prodezza moltiplicò le energie e gli anni che gli restavano, ma forse non ce n'era bisogno. Forse non sapeva che undici secoli prima il taoista Li-Po, morto cadendo dalla barca mentre, ubriaco di vino, tentava di afferrare la luna sul lago Chang Jiang, fra le sue mille e cento poesie in verso regolato ci aveva lasciato questa : «Sediamo insieme, la montagna e io, finché rimane solo la montagna.»

Eugenio Baroncelli  Falene, 237 vite quasi perfette  Ed. Sellerio, 2012








 Paul Cézanne, l'homme qui voulait devenir une montagne

 Pour ma part, je n'aime pas les montagnes (trop escarpées, si sottement proches du ciel), mais écoutez plutôt. Depuis Aix, où il était revenu pour y mourir, il en voyait une, la Sainte-Victoire, si attirante que dans les couleurs de l'âme – le blanc, le violet, le gris des nuages – il la peignit au moins soixante fois, comme s'il voulait devenir cette montagne. Allez-y voir : il y en a partout, deux à Zurich, une à Cardiff, une à Bâle et une autre (la même) à Philadelphie. Par cette laborieuse prouesse, il parvint à multiplier ses forces et les années qu'il lui restait à vivre, mais peut-être n'était-ce pas nécessaire. Il ignorait peut-être qu'onze siècles plus tôt, le taoïste Li-Po, mort en tombant d'une barque tandis que, ivre de vin, il tentait d'attraper la lune sur le lac Chang Jiang, parmi ses mille cent poèmes en vers réguliers nous avait laissé celui-ci :

«Nous sommes assis ensemble, 
La montagne et moi, 
Jusqu'à ce que, seule, la montagne demeure

(Traduction personnelle)








Images : en haut, photographie de la Sainte-Victoire par Jacqueline Poggi  (Site Flickr)

au centre, Paul Cézanne  Mont Sainte-Victoire, 1885-1887

en bas, Paul Cézanne  La Montagne Sainte-Victoire vue des Lauves, 1901-1906




7 commentaires:

  1. bon, un commentaire envolé et c'était bien, ces mots matinaux juste sortis du silence dans le souvenir de la route du Tholonet, face à la montagne crayeuse que je n'ai jamais pu contempler sans glisser entre elle et moi les toiles et aquarelles de Cézanne. Il a tant apprivoisé ce que la lumière disait d'elle au fil des heures et des saisons. Un face à face qui tient du combat. Un travail assidu qui lui faisait le regard silence et la palette fougueuse. Il m'a donné à comprendre comment la pierre, les arbres absorbaient la lumière et la renvoyaient emplie d'ocres bleutés, de verts grisés. Comment le ciel devenait une énigmatique évaporation de paysage posé sur la Sainte Victoire. M'enfouissant dans ces études, je reçois le regard scrutateur de Cézanne, ses gestes au pinceau, sa palette. Une vie c'est peu de chose face à une montagne sauf si elle s'éternise dans l'instant où le pinceau touche la toile ou le papier avec sa charge de pigments : des ocres bleus, des verts ombrés et la plénitude du vide donnée à voir au ras de cette respiration de la pierre, des terres, des arbres...

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  2. Quel article et quel commentaire ! Je ne sais pas si vous avez lu "Remerciements des héritiers de Maria Helena Viera da Silva",D'Antonio Tabucchi, le plus portugais des écrivains italiens, qui joue avec les différentes couleurs de la palette du peintre? Si ce n'est pas le cas, je vais recopier le texte sur mon blog, un cadeau pour ce merveilleux moment.

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    1. Merci à vous deux pour ces beaux commentaires ! Je ne sais pas si nous parlons du même texte de Tabucchi, mais je connais celui-ci, splendide, inspiré du testament de Maria Helena Vieira da Silva :

      "Lascio ai miei amici
      un azzurro ceruleo per volare in alto
      un blu cobalto per la felicità
      un azzurro oltremare per stimolare lo spirito
      un vermiglio per fare circolare il sangue allegramente
      un verde muschio per calmare l'inquietudine
      un giallo oro : ricchezza
      un violetto cobalto per la rêverie
      una lacca di garanza che fa sentire il violoncello
      un giallo cadmio: fantascienza, luccichio, splendore
      un giallo ocra per accettare la terra
      un verde Veronese per ricordo della primavera
      un indaco per accordare lo spirito al temporale
      un arancione per esercitare da lontano la vista di un albero di limoni
      un giallo limone per la grazia
      un bianco puro : purezza
      una terra di Siena naturale : tramutazione dell'oro
      un nero sontuoso per vedere Tiziano
      una terra d'ombra per accettare meglio la nera malinconia
      una terra di Siena bruciata per il sentimento della durata."


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    2. Oui, c'est bien ce texte. Il y a aussi une petite histoire pour chaque couleur.

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    3. En italien, le texte est paru dans un des derniers ouvrages de Tabucchi, "Racconti con figure" (Sellerio, 2011). Pourriez-vous m'indiquer la source de la traduction française, que je ne connais pas ?

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  3. Oui, avec plaisir, pour une fois qu'il m'est permis de vous renseigner sur un texte!
    Le texte est paru sous la traduction de Bernard Comment dans les cahiers de la NRF
    (N°572-Janvier 2005)
    C'est dans cette même revue que j'ai pu lire cet extrait d'une ITW de Roberto Bolano:
    -Question : A quoi ressemble le paradis?
    -Réponse: A Venise, j'espère.Un endroit plein d'Italiens et d'Italiennes. Un lieu qu'on consomme et qu'on use, qui sait que rien ne dure, pas même le paradis,et qui sait aussi qu'au bout du compte cela importe peu.
    C'est tout a fait ce que je pense..

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