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vendredi 7 novembre 2014

La Stupeur des statues




«Rome, bien qu'amoureusement magnifiée par la mémoire de Fellini, est enfer dans la mesure où elle est non seulement capitale moderne déchirée entre ses désordres et ses contradictions, mais surtout pathétique résumé du destin de la civilisation chrétienne occidentale : un passé prestigieux ; un présent qui échappe au contrôle de la nature ; et, pour futur, la menace d'une catastrophe inévitable. Catastrophe que Fellini évoque à la fin de son film.

C'est magistral. Dans Rome nocturne, illuminée et vide, morte ou plutôt stupéfiée par la nuit (et sa stupeur est celle des statues), déferle soudain un torrent de tonnerres et de feux, c'est l'invasion des nouveaux barbares, une horde de motocyclistes casqués parcourt, au galop des chevaux d'Attila, toute la ville comme un ultime recensement de ses belles pierres, avant le dernier adieu, et les palais, les églises, les arcs de triomphe tremblent, les fontaines se taisent, les statues demeurent debout. Ce salaud de Fellini, il nous la fait faire, la tournée de Rome by night pour les Américains, mais c'est dans le bruit et la fureur de l'Apocalypse.»

Jean-Louis Bory
, Fellini-Roma, chronique du 22 mai 1972 publiée dans Le Nouvel Observateur et recueillie dans le volume La lumière écrit (collection 10/18, 1975)




Séquence finale de Fellini-Roma (1972)





Source de la vidéo
: Site YouTube

Images : en haut, Rosario (Site Flickr)

2 commentaires:

  1. Un contre-feu ? "Vie d'Henry Brulard" :
    "Je me trouvais ce matin, 16 octobre 1832, à San-Pietro in Montorio, sur le mont Janicule, à Rome, il faisait un soleil magnifique. Un léger vent de sirocco à peine sensible faisait flotter quelques petits nuages blancs au-dessus du mont Albano, une chaleur délicieuse régnait dans l'air, j'étais heureux de vivre. (...) Au-dessous du mur contre lequel je m'appuie sont les grands orangers du verger des capucins, puis le Tibre et le prieuré de Malte, un peu après sur la droite le tombeau de Cécilia Metella (...). Toute la Rome ancienne et moderne, depuis l'ancienne voie Appienne avec les ruines de ses tombeaux et de ses aqueducs jusqu'au magnifique jardin de Pincio (...)
    Ce lieu est unique au monde, me disais-je en rêvant, et la Rome ancienne malgré moi l'emportait sur la moderne, tous les souvenirs de Tite-Live me revenaient en foule. Sur le mont Albano, à gauche du couvent j'apercevais les prés d'Annibal.
    Quelle vue magnifique ! c'est donc ici que la Transfiguration de Raphaël a été admirée pendant deux siècles et demi. Quelle différence avec la triste galerie de marbre gris où elle est enterrée aujourd'hui au fond du Vatican..."
    Stendhal... quel bonheur !

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  2. C'est précisément parce qu'elle est Enfer et Paradis à la fois que Rome est si fascinante. Comme toutes ces villes où le passé n'en finit pas, elle brûle encore et toujours. Que dire du Caire où je me trouve en ce moment !

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