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mardi 28 août 2018

Florence belle et cruelle




Un extrait de Nel più bel sogno [Dans le plus beau des rêves] le dernier ouvrage de la série consacré au commissaire Bordelli, dont Marco Vichi nous conte régulièrement les aventures dans la Florence des années soixante, et que l'on aime davantage pour son sens de la digression et de la flânerie narrative que pour la rigueur de ses enquêtes. Ici, il réfléchit à la nature ambivalente du caractère florentin, sur les marches de la magnifique basilique de San Miniato al Monte : 

Il monta jusqu'à la basilique de San Miniato, son église préférée, qu'il avait vue juste avant depuis les fenêtres du palais de la Bourse. Il demeura longtemps appuyé au muret devant la façade, observant ces marbres ornés de figures géométriques et en même temps si émouvants. Puis il se retourna pour regarder Florence, la belle et cruelle Florence, capable d'engendrer de grands esprits et une sinistre ignorance. Il aimait la belle ironie florentine, qui riait de tout, y compris d'elle-même et de ses propres souffrances. La féroce ironie frondeuse qui ne courbait jamais la tête devant rien ni personne. Pendant la présence de Napoléon, les Florentins appelaient les Français « i nuvoloni » (« les gros nuages »), en raison de leurs proclamations qui commençaient par Nous voulons... Et quand en 1870 Victor-Emmanuel II, après un séjour de cinq ans à Florence, capitale provisoire du Royaume, s'en alla finalement dans la Rome si convoitée, les Florentins inventèrent une comptine, qu'ils placardèrent sur les murs de la ville : 

Turin pleure quand le monarque s'en va.
Rome exulte quand le monarque arrive.
Mais Florence, ville-berceau de l'art,
se moque de son arrivée comme de son départ.

Toutefois, Florence avait aussi une autre âme, sinistre, lâche, flagorneuse, peureuse, méfiante, capable de sourire à celui qu'elle s'apprête à poignarder dans le dos, et qui n'hésitait pas à démolir en groupe une personne sans défense à coups de répliques vulgaires. C'était peut-être dans cette contradiction que résidait la fascination exercée par cette ville ? La belle ironie et la lâcheté entremêlées ? Quoi qu'il en soit, il n'était pas facile de grandir à Florence, sous les coups d'épée des paroles tranchantes. mais c'était au moins un entraînement à l'auto-défense, ce qui pouvait toujours être utile dans la vie.

Marco Vichi  Nel più bel sogno  Guanda Editore, 2017 (Traduction personnelle)










Images : en haut, Carlos Sanchez  (Site Flickr)

en bas, (1) Jonas Ginter  (Site Flickr)

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