Questa sera dalle altre sere ?
In cosa, ditemi, differisce
Questa pasqua dalle altre pasque ?
Accendi il lume, spalanca la porta
Che il pellegrino possa entrare,
Gentile o ebreo :
Sotto i cenci si cela forse il profeta.
Entri e sieda con noi,
Ascolti, beva, canti e faccia pasqua.
Consumi il pane dell’afflizione,
Agnello, malta dolce ed erba amara.
Questa è la sera delle differenze,
In cui s’appoggia il gomito alla mensa
Perché il vietato diventa prescritto
Così che il male si traduca in bene.
Passeremo la notte a raccontare
Lontani eventi pieni di meraviglia,
E per il molto vino
I monti cozzeranno come becchi.
Questa sera si scambiano domande
Il saggio, l’empio, l’ingenuo e
l’infante,
E il tempo capovolge il suo corso,
L’oggi refluo nel ieri,
Come un fiume assiepato sulla foce.
Di noi ciascuno è stato schiavo in
Egitto,
Ha intriso di sudore paglia e argilla
Ed ha varcato il mare a piede asciutto :
Anche tu, straniero.
Quest’anno in paura e vergogna,
L’anno venturo in virtù e giustizia.
Primo Levi Ad ora incerta Garzanti Editore, 1984
Dites-moi : en quoi ce soir
Est-il différent des autres soirs ?
En quoi, dites-moi, cette Pâque
Est-elle différente des autres Pâques ?
Allume la lampe, ouvre grand la porte
Pour laisser entrer le voyageur,
Qu'il soit Gentil ou Juif :
Sous ses haillons se cache peut-être le prophète.
Qu'il entre et prenne place parmi nous,
Qu'il écoute, qu'il boive, qu'il chante et célèbre la Pâque.
Qu'il mange le pain de l'affliction,
L'agneau, la glaise douce et les herbes amères.
C'est le soir des différences,
Où l'on appuie le coude sur la table
Parce que ce qui est défendu devient permis
Afin que le mal se change en bien.
Nous passerons la nuit à conter
Des faits anciens tout emplis de prodiges,
Et à cause du vin trop bu
Les montagnes sembleront s'entrechoquer comme des boucs.
Ce soir s'échangent des questions
Le sage, l'impie, l'ingénu et l'enfant,
Et le temps inverse son cours,
Le présent reflue dans le passé,
Comme un fleuve obstrué reflue vers son embouchure.
Chacun de nous a été esclave en Egypte,
A baigné de sa sueur la paille et l'argile
Et a traversé la mer à pied sec :
Toi aussi, étranger.
Cette année dans la peur et la honte,
L'an prochain dans la vertu et la justice.
A ce banquet, l'auteur aurait pu convier Isaac Babel " A ce repas de noces on servit des dindons, des poulets rôtis, des oies, du poisson farci et une soupe de poisson dans laquelle des lacs de citron jetaient des reflets nacrés. Sur les têtes mortes des oies, des fleurs se balançaient comme des plumets somptueux." ( Contes d'Odessa). Hélas, l'année prochaine se fait attendre. A la peur et la honte il faut, en plus, ajouter aujourd'hui l'injustice qui devient une vertu.
RépondreSupprimerCe poème de Primo Levi, c'est tout à fait la mémoire de ce repas de Seder où j'étais invitée : agneau, herbes amères, matza, coupes de vin, carpass... douceur mêlée aux lectures, aux musiques, aux rites, aux échanges, aux bénédictions. Une belle fête pleine de bonté qui plonge ses racines si loin dans le temps d'avant. Mais aussi une Présence honorée par le récit de la Haggadah, par ces rites et la mémoire de cet exode pour aller vers toute libération. Merci.
RépondreSupprimerMerci pour ce beau poème de réconciliation et d'unité et pour l'exil nécessaire qui nous permet de retrouver le lien perdu qui nous unit à nous-même
RépondreSupprimerMerci à vous, cher visiteur !
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