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mercredi 27 janvier 2016

Mala




"Einsam steigt er dahin, in die Berge des Ur-Leids. 
Und nicht einmal sein Schritt klingt aus dem tonlosen Los." 

"Solo, inizia a salire i monti del primigenio dolore.
E neppure il suo passo, per la sorte muta, risuona."







Ad illustrare quale impresa disperata fosse une fuga, ma non solo a questo scopo, ricorderò qui l’impresa di Mala Zimetbaum ; vorrei infatti che ne rimanesse memoria. L’evasione di Mala dal Lager femminile di Auschwitz-Birkenau è stata narrata da più persone, ma i particolari concordano. Mala era una giovane ebrea polacca che era stata catturata in Belgio e che parlava correntemente molte lingue, perciò a Birkenau fungeva da interprete e da portaordini, e come tale godeva di una certa libertà di spostamento. Era generosa e coraggiosa ; aveva aiutato molte compagne, ed era amata di tutte. Nell’estate del 1944 decise di evadere con Edek, un prigioniero politico polacco. Non volevano soltanto riconquistarsi la libertà : intendevano documentare al mondo il massacro quotidiano di Birkenau. Riuscirono a corrompere una SS ed a procurarsi due uniformi. Uscirono travestiti e giunsero fino al confine slovacco ; qui vennero fermati dai doganieri, che sospettarono di trovarsi davanti a due disertori e li consegnarono alla polizia. Vennero immediatamente riconosciuti e riportati a Birkenau. Edek venne impiccato subito, ma non volle attendere che, secondo l’accanito ceremoniale del luogo, venisse letta la sentenza : infilò il capo nel cappio scorsoio e si lasciò cadere dallo sgabello. 

Anche Mala aveva risoluto di morire la sua propria morte. Mentre in una cella attendeva di essere interrogata, una compagna poté avvicinarla e le chiese «Come va, Mala ?» Rispose : «A me va sempre bene.» Era riuscita a nascondersi addosso una lametta da rasoio. Ai piedi della forca si recise l’arteria di un polso. L’SS che fungeva da boia cercò di strapparle la lama, e Mala, davanti a tutte le donne del campo, gli sbatté sul viso la mano insanguinata. Subito accorsero altri militi, inferociti : una prigioniera, un’ebrea, una donna, aveva osato sfidarli ! La calpestarono a morte ; spirò, per sua fortuna, sul carro che la portava al crematorio. 

 Primo Levi  I sommersi e i salvati  Ed. Einaudi, 1986






Pour montrer à quel point toute évasion constituait une entreprise désespérée, mais pas seulement pour cette raison, je rappellerai ici l’aventure de Mala Zimetbaum ; je voudrais en effet qu’on en conserve la mémoire. L’évasion de Mala du camp de femmes d’Auschwitz-Birkenau a été racontée par plusieurs personnes, mais tous les détails concordent. Mala était une jeune juive polonaise qui avait été arrêtée en Belgique et qui parlait couramment plusieurs langues ; c’est la raison pour laquelle elle exerçait les fonctions d’interprète et de messagère, et bénéficiait pour cette raison d’une certaine liberté de déplacement. Elle était généreuse et courageuse ; elle avait aidé de nombreuses camarades, et toutes l’aimaient. Pendant l’été 1944, elle décida de s’évader avec Edek, un prisonnier politique polonais. Ils ne voulaient pas uniquement retrouver leur liberté : ils avaient l’intention d’informer le monde sur le massacre quotidien qui avait lieu à Birkenau. Ils réussirent à corrompre un SS et à se procurer deux uniformes. Ils sortirent du camp grâce à leurs déguisements et parvinrent jusqu’à la frontière slovaque ; là, ils furent arrêtés par des douaniers, qui, convaincus d’avoir affaire à deux déserteurs, les livrèrent à la police. Ils furent aussitôt reconnus et ramenés à Birkenau. Edek fut pendu sur le champ, mais il ne voulut pas attendre qu’on lui lise la sentence, comme le prévoyait l’impitoyable cérémonial du lieu : il passa la tête dans le nœud coulant et repoussa l'escabeau. 

Mala avait elle aussi résolu de mourir de sa propre mort. Alors qu’elle attendait d’être interrogée dans une cellule, l’une de ses camarades put l’approcher et lui demanda : «Comment vas-tu, Mala ?» Elle lui répondit : «Moi, je vais toujours bien.» Elle avait réussi à cacher sur elle une lame de rasoir. Au pied de la potence, elle se trancha l’artère du poignet. Le SS qui faisait office de bourreau tenta de lui arracher la lame, et Mala, devant toutes les femmes du camp, le frappa au visage avec sa main ensanglantée. D’autres gardes accoururent aussitôt, furieux : une détenue, une juive, une femme avait osé les défier ! Ils la rouèrent de coups ; par chance, elle mourut sur le chariot qui la conduisait au four crématoire.

Primo Levi  Les naufragés et les rescapés  (Traduction personnelle)

Traduction française de l'exergue (R M Rilke, Dixième élégie de Duino) : "Seul il s'éloigne vers les monts de la Douleur première. / Et son pas même, dans le sort insonore, n'est plus ouï." (Traduction de Philippe Jaccottet)








Images : en haut, Tommaso Penna  (Site Flickr)

en bas, Wiki Commons

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