"Nell'ombra della notte si ritorna soli. È l'ora che preferisco per viaggiare in bicicletta, al raggio delle stelle su la strada vuota, per la bianchezza della quale l'occhio vede da lungi sicuramente. Dove si corre ?"
Alfredo Oriani La Bicicletta
L’œuvre imposante d'Alfredo Oriani (1852-1909), qui compte de nombreux romans, traités politiques, ouvrages historiques, poèmes, pièces de théâtre, n'est plus beaucoup lue aujourd'hui en Italie. Il faut dire que sa récupération par le fascisme (c'est Mussolini lui-même qui s'occupa de l'édition en trente volumes de ses œuvres complètes (1923-1933)) n'a pas favorisé par la suite la diffusion de ses ouvrages. En 1894, cet homme ombrageux et tourmenté avait découvert le plaisir des randonnées à bicyclette dans la campagne romagnole (il vivait à Casola Valsenio, près de Ravenne). Son biographe le plus enthousiaste, Giuseppe Pentimalli, raconte en 1921 ses pérégrinations cyclistes de Casola à Faenza, puis Imola, Forlì et Bologne : «La bicyclette fut son unique réconfort : dans la fatigue des longues courses, il oubliait un moment le dégoût amer que lui inspirait la vie. La bicyclette était devenue une passion, un baume sur les souffrances de l'âme. Quand il ne travaillait pas, il parcourait toute la Romagne, poussant même parfois jusqu'à la Toscane. Au cours de ces longues pérégrinations, il s'arrêtait dans des troquets ou dans des auberges et chaque halte se transformait en conférence : on l'entourait et il passionnait son auditoire par sa parole rapide, chaleureuse, dense et profonde ; il passait par tous les tons, et son éloquence était flamboyante.» Ces exploits cyclistes avaient valu à Oriani le surnom de "Gamberone" ("Le homard"), sans doute à cause des rougeurs provoquées par l'effort et les coups de soleil. Oriani a raconté ces randonnées dans un petit livre, La Bicyclette (1902), qui est certainement son œuvre la plus légère et la plus enlevée, la plus modeste et la plus libre. J'en cite ici un court extrait :
«Il piacere della bicicletta è quello stesso della libertà,
forse meglio di una liberazione : andarsene ovunque, ad ogni momento,
arrestandosi alla prima velleità di un capriccio, senza preoccupazioni
come per un cavallo, senza servitù come in treno.
La bicicletta
siamo ancora noi, che vinciamo lo spazio e il tempo ; stiamo in bilico e
quindi nella indecisione di un giuoco colla tranquilla sicurezza di
vincere ; siamo soli senza nemmeno il contatto colla terra, che le nostre
ruote sfiorano appena, quasi in balia del vento, contro il quale
lottiamo come un uccello.
Non è il viaggio o la sua economia nel
compierlo che ci soddisfa, ma la facoltà appunto di interromperlo e di
mutarlo, quella poesia istintiva di una improvvisazione spensierata,
mentre una forza orgogliosa ci gonfia il cuore di sentirci così liberi.
Domani la carrozzella automobile ci permetterà viaggi più rapidi e
più lunghi, ma non saremo più né così liberi né così soli : la
carrozzella non potrà identificarsi con noi come la bicicletta, non
saranno le nostre gambe che muovono gli stantuffi, non sarà il nostro
soffio che la spinge nelle salite.
Seduti come in un treno non ci
tornerà più l’illusione di essere giovani, correndo coll’impeto stesso
della giovinezza ; non avremo trionfato del vento, non ci saremo
ritemprati nella fatica al sol ; ma la nuova macchina c’imporrà le
preoccupazioni dei propri guasti non riparabili al momento, c’impedirà
di sognare, perché non potremo più guidarla istintivamente, e ci darà il
senso doloroso del limite, appunto perché separata da noi, sospinta da
una forza che non può fondersi colla nostra...»
«Le plaisir de la bicyclette est celui-là même de la liberté, peut-être plus fort encore qu'une libération : aller partout, à n'importe quel moment, en s'arrêtant quand bon nous semble, sans nous préoccuper de notre monture comme quand nous sommes à cheval, sans les contraintes du voyage en train.
À bicyclette, c'est nous qui triomphons de l'espace et du temps ; nous sommes en équilibre instable, et donc à la fois dans les aléas d'un jeu et la tranquille certitude de la victoire ; nous sommes seuls sans aucun contact avec la terre, que nos roues effleurent à peine, à la merci du vent, contre lequel nous luttons comme un oiseau.
Ce n'est pas le voyage, ou la façon dont nous le menons jusqu'à son terme, qui nous procure une satisfaction, mais justement la possibilité de l'interrompre ou de modifier notre itinéraire, cette poésie instinctive qui naît de l'improvisation insouciante, quand une force orgueilleuse s'empare de nous et nous emplit le cœur de l'ivresse de la liberté.
Demain, la voiture automobile nous permettra de voyager plus loin et plus rapidement, mais nous ne serons plus aussi libres ni aussi seuls : nous ne pourrons pas faire corps avec la voiture comme nous le faisons avec la bicyclette, ce ne seront pas nos jambes qui actionneront les pistons, ni notre souffle qui propulsera le véhicule dans les montées.
Assis comme nous le sommes dans un train, nous perdrons l'illusion d'être encore jeunes, quand nous pédalions avec la fougue de la jeunesse ; nous ne triompherons plus du vent, nous ne reprendrons plus des forces au soleil ; mais l'automobile nous imposera les tracas des pannes impossibles à réparer sur le champ, elle nous empêchera de rêver parce que nous ne pourrons plus la conduire instinctivement, et elle nous donnera le sens douloureux de nos limites, par le fait même qu'elle est séparée de nous, mue par une force qui ne peut pas se confondre avec la nôtre...»
(Traduction personnelle)
Un chapitre du très beau livre de Renaud Camus Demeures de l'esprit Italie du Nord est consacré à Alfredo Oriani. J'en recommande vivement la lecture.
Un chapitre du très beau livre de Renaud Camus Demeures de l'esprit Italie du Nord est consacré à Alfredo Oriani. J'en recommande vivement la lecture.
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