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lundi 26 septembre 2011

Baroque napolitain




Les caractères du baroque sont communs à plusieurs nations et provinces, surtout la France et l'Espagne, cette dernière ayant subi l'influence napolitaine d'une manière considérable. La différence entre nous et les autres pays tient au fait que, pour une longue suite de raisons historiques, le baroque fut, pour les autres, un événement qui laissa des traces qu'effaçèrent par la suite d'autres expériences plus profondes.

 À Naples, où les choses ne changèrent pas, ou se renouvelèrent avec une extrême lenteur, il persista au point de devenir un état d'âme, qui brille encore ça et là de manière éclatante. Mais il faut convenir qu'à Naples, avant de devenir un vêtement mental et une incoercible manière d'être, le baroque se trouvait déjà dans la nature même de la ville et que, par le passé, il avait déjà donné une preuve de sa vigueur. Le fait que Néron – je cite un cas extrême – ne recût un accueil triomphal, en tant que chanteur, qu'à Naples, ce qui fit que «Neapolim delegit», n'a rien de paradoxal. Il existe réellement une épine dorsale napolitaine qui traverse les siècles.




La nôtre est une terre de contrastes : la lumière de la mer et l'obscurité des ruelles. C'est une ville de mer, avec ses bonaces et ses tempêtes. Le ciel n'a pas une couleur définie : azur, rose, bleu, violet, sombre, gris, clair ; il est un mélange de toutes ces couleurs. Le jour le plus noir peut être déchiré par un glaive de soleil. La journée la plus lumineuse peut se transformer en un tunnel. Les nuages ressemblent à des salves de canons errantes. D'autres fois, ils s'élèvent, comme des archanges aux vêtements aussi gonflés que des montgolfières, dans des cieux à la Salvator Rosa, Stanzione, Solimena, Giordano, etc. La pizza, qui est du baroque tardif, est une invention anthropologique. Elle est ronde parce qu'elle symbolise le golfe : les tomates, ce sont les rouges voiles turques, le basilic les côtes, la mozzarella, la blanche écume des jours sereins.

Aucun autre pays n'a autant adapté la nourriture à sa propre personnalité. Les spaghettis, fuyants et mobiles, reproduisent l'aventure frénétique des scugnizzi. La sfogliatella n'est pas née à Naples par hasard : par ses volutes, elle rappelle les escaliers névrotiques de plusieurs palais princiers. Il se produit d'authentiques merveilles : il y a cent ans, entre Pouzzoles et Lucrin, avait poussé un énorme bubon de terre : le Monte Nuovo. La terre danse continuellement. Le Vésuve n'est pas un relief orographique comme les autres, mais une montagne de feu, une menace continuelle qui doit avoir un poids énorme dans l'écheveau de superstitions qui secouent encore notre manière d'exister. Chez nous, le cri devient hurlement, la douleur, convulsion, la maladie, mauvais sort, le physique, viscéralité, l'amour, sentimentalisme, l'individu, foule, le luxe, ostentation, la gaieté, brouhaha. L'homme est plus proche du corps que de l'esprit.

Domenico Rea Naples, visite privée Éditions du Chêne, 1991 (Traduction : Marguerite Pozzoli)











Images : en haut, Site Flickr

au centre, Michele Balzano (Site Flickr)

en bas, Emiliano (Site Flickr)



2 commentaires:

  1. ces photos sont splendides ! quelle lumière...

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  2. Le site Flickr est une mine inépuisable de magnifiques images. Je ne remercierai jamais assez les auteurs qui autorisent le téléchargement de leurs photos : ce blog leur doit beaucoup !

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