La scène se passe dans un hôpital de Nemi, une petite ville dans les environs de Rome, au dixième étage, dans le service des patients en long séjour. Fabrizio Roncone, journaliste au Corriere della sera, est venu interviewer Anita Ekberg, à l’occasion de son quatre-vingtième anniversaire :
« Vous voulez savoir si je me sens un peu seule ? Oui, un peu... Mais je n’ai aucun regret. J’ai aimé, j’ai pleuré, j’ai été folle de bonheur. J’ai gagné et j’ai perdu. Je n’ai pas de mari, pas d’enfants, la jeune infirmière que vous avez vue tout à l’heure est devenue une amie très chère. Il y a un an, j’ai eu une fracture de la jambe gauche, et l’été dernier, c’est la droite qui a cédé. L’opération s’est bien passée ; maintenant, ils essaient de me remettre sur pied. Et dire que ce que Fellini préférait chez moi, c’était ma démarche ! Dans la fontaine de Trevi, j’ai fait le va-et-vient pendant une nuit entière sans jamais trébucher. Fellini était un génie absolu ; je n’ai jamais compris pourquoi il m’avait choisie pour La Dolce vita... Oui, j’avais été Miss Suède, et cela aurait suffi pour convaincre la plupart des metteurs en scène, mais certainement pas lui ! Il lisait dans le cœur des acteurs, et il les dirigeait comme s’ils étaient des papillons. La nuit, je rêve souvent que je suis dans ma maison de Genzano, avec Taurina, mon berger allemand, et Hamai, le plus beau de tous les dogues... Les journées sont interminables. Je n’aime pas la télévision, c’est toujours la même chose, comme les informations : il n’y en a que pour votre dégoûtant président du Conseil. Mais pourquoi avez-vous voté pour lui pendant toutes ces années ? À mon époque aussi, il y avait des recommandations, mais on n’était pas obligé de coucher avec quelqu’un pour pouvoir travailler ! Jeudi prochain, c’est mon anniversaire ; je n’y ai jamais prêté attention du temps où je tournais beaucoup. Cette fois-ci, je sais que l’on va organiser un beau repas en mon honneur. Maintenant, je suis un peu fatiguée...»
Le photographe qui accompagne le journaliste du Corriere fait quelques clichés, puis la porte de la chambre se referme.
*émotion*
RépondreSupprimerDans la Dolce Vita, elle m'a fait peur par sa taille, j'avais l'impression que c'était une géante qui allait écraser Mastroiani.
RépondreSupprimerJ'ai eu la même impression en voyant cette scène. Il s'agit d'ailleurs d'un fantasme (ou d'un traumatisme ?) récurrent chez Fellini : il y a par exemple la géante dans "Casanova", une sorte de championne de wrestling ante litteram, et la monumentale buraliste d'"Amarcord" qui manque d'étouffer le malheureux Titta (qui est aussi une représentation du jeune Fellini). Et on pourrait citer beaucoup d'autres exemples, entre autres dans "Huit et demi" et "La Cité des femmes".
RépondreSupprimerOui, on a beaucoup parlé des fantasmes du maestro..
RépondreSupprimerMais,si fantasmes il y a bel et bien, il faut souligner que le cinéaste (le vrai, l'auteur) oeuvre toujours dans la démesure. Ainsi la buraliste d'"Amarcord" représente ,ou symbolise, la vision de l'adolescent.Pour le reste, il suffit de vivre un mois entier sur une plage de l'adriatique à côté de Rimini (j'ai eu la chance de tenter et réussir cette expérience)pour constater que la "démesure" existe!