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vendredi 4 mars 2011

Ancora tu (Encore toi)


 L’ultima volta che avevo sentito Ancora tu ero in macchina con la mamma. Stavamo fermi in fila su corso Vittorio. Una manifestazione aveva bloccato piazza Venezia, e come calore l’ingorgo si era irraggiato, paralizzando il traffico del centro storico.
Avevo passato la mattina nella galleria d’arte di mia madre a sistemare i quadri di un artista francese che avrebbe inaugurato la settimana successiva. Mi piacevano quelle enormi fotografie di gente che mangiava sola in ristoranti affollati.
I motorini facevano slalom tra le macchine ferme. Sopra i gradini di una chiesa dormiva un barbone imbustato dentro un sacco a pelo lercio. Sacchi della spazzatura gli fasciavano la testa. Sembrava una mummia egizia.
– Uffa ! Ma che sta succedendo ? Mia madre si è attaccata al clacson. – Non si sopporta più questa città... Ti piacerebbe vivere in campagna ?
– Dove ?
– Non lo so... in Toscana, per esempio.
– Noi due ?
– Papa verrebbe i week-end.
– E se la comprassimo a Komodo ?
– Dov’è Komodo ?
– È un isola molto lontana.
– E perché dovremmo andare a vivere lì ?
– Ci sono i draghi di Komodo. Sono delle lucertole enormi che possono mangiarsi pure una capra viva o un uomo con problemi articolari. E vanno velocissimi. Potremmo addomesticarli. E usarli per difenderci.
– Da chi ?
– Da tutti.
Mia madre ha sorriso e ha aumentato il volume dell’autoradio e si è messa a cantare insieme a Lucio Battisti : – Ancora tu. Non mi sorprende lo sai...
Anche io mi sono messo a cantare e quando è arrivata la strofa : – Amore mio, hai già mangiato o no ? Ho fame anch’io e non soltanto di te, – le ho preso la mano come un amante disperato.
Mia madre rideva e scuoteva la testa. – Che scemo... Che scemo...
Mi sono accorto di essere felice. Il mondo oltre i finestrini e io e mamma in una bolla nel traffico. La scuola non c’era più, i compiti nemmeno e tutti i miliardi di cose che avrei dovuto fare per diventare grande.

Niccolò Ammaniti Io e te Ed. Einaudi, 2010




La dernière fois que j’avais entendu Ancora tu, j’étais en voiture avec ma mère. Nous étions à l’arrêt dans une file sur le Corso Vittorio. Une manifestation avait bloqué Piazza Venezia, et comme une vague de chaleur, l’embouteillage s’était répandu, paralysant la circulation dans le centre historique.
J’avais passé la matinée dans la galerie d’art de ma mère et je l’avais aidée à installer les œuvres d’un artiste français dont le vernissage aurait lieu la semaine suivante. J’aimais ces immenses photographies de personnes qui mangeaient seules dans des restaurants bondés.
Les motos slalomaient entre les automobiles à l'arrêt. Sur les marches d’une église, un clochard dormait, enveloppé dans un sac de couchage crasseux. Des sacs-poubelles en plastique lui entouraient la tête. On aurait dit une momie égyptienne.
– Oh la la ! Mais qu’est-ce qui se passe ? Ma mère se mit à klaxonner. Cette ville est devenue insupportable... Tu aimerais vivre à la campagne ?
– Où ?
– Je ne sais pas... en Toscane, par exemple.
– Tous les deux ?
– Ton père nous rejoindrait les week-end.
– Et si on achetait une maison à Komodo ?
– C’est où, Komodo ?
– C’est une île très lointaine.
– Et pourquoi devrions-nous partir là-bas ?
– Parce qu’il y a les dragons de Komodo. Ce sont des lézards énormes qui peuvent même dévorer une chèvre vivante ou un homme avec des problèmes d’articulations. Ils sont très rapides. On pourrait les apprivoiser, et les utiliser pour nous défendre.
– Contre qui ?
– Contre tout le monde.
Ma mère a souri et a monté le volume de l’autoradio ; elle s’est mise à chanter avec Lucio Battisti : Encore toi. Ça ne me surprend pas, tu sais...
Je me suis mis moi aussi à chanter et quand est arrivé le couplet : Mon amour, est-ce que tu as déjà mangé ? J’ai faim moi aussi, et pas seulement de toi, je lui ai pris la main comme un amoureux désespéré.
Ma mère riait et secouait la tête :
– Quel idiot... Quel idiot...
Je me suis aperçu que j’étais heureux. Il y avait le monde de l’autre côté des vitres, et ma mère et moi, dans une bulle au milieu de la circulation. Il n’y avait plus d’école, plus de devoirs, et plus aucune de ces milliards de choses qu'il me faudrait faire pour devenir grand.

(Traduction personnelle)







Images : en haut, Site Flickr

au milieu, Adriana Meis (Site Flickr)

6 commentaires:

  1. Je découvre cette chanson de Lucio Battisti avec énormément de plaisir. Je ne connaissais que l'album Emozioni et ses chansons dans l'ensemble assez tristes ou mélancoliques.
    Celle-ci a une petite teinte mélancolique mais surtout une joie d'aimer communicative. Qui serre un peu le coeur finalement (!).

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  2. Oui, il y a dans cette chanson (qui est aussi une variation sur le thème "ni avec toi ni sans toi") une sorte d'euphorie mélancolique qu'Ammaniti a bien perçue dans l'extrait que je cite.

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  3. J'adore cette chanson. J'aime beaucoup le clip d'origine dans lequel Battisti à l'air heureux comme tout de s'éclater en pleine campagne. Le voir comme ça et l'entendre, c'est une vraie bouffée de jeunesse, pour toujours.

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  4. J'aime aussi beaucoup ce clip ; on peut en voir quelques images ici...

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  5. vous savez de quel tableau il parle ? ( dans la galerie de sa mère .. )

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  6. Non, il me semble qu'il doit s'agir plutôt de photographies, mais je n'en sais pas plus ! (Un artiste français qui prend des photos de personnes mangeant seules dans des restaurants bondés : si cela dit quelque chose à quelqu'un...)

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