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dimanche 12 juin 2016

Vacances romaines (Vacanze romane)




Dans son ouvrage intitulé Persone speciali [Des personnes particulières], Masolino d’Amico réunit quelques portraits de grands personnages de la culture ou du spectacle dans l’Italie de l’après-guerre. Fils de la célèbre scénariste Suso Cecchi d’Amico (et du musicologue Fedele d’Amico), Masolino a bien connu dès l'enfance ces écrivains et ces artistes puisque, pour la plupart, ils fréquentaient régulièrement la maison de ses parents. Je traduis ici un extrait du beau texte qu’il consacre à Audrey Hepburn, qu’il a rencontrée en 1952 (il avait treize ans, mais on verra qu’elle lui a laissé un grand souvenir), lors du tournage de Vacances romaines, le film qui allait la révéler au grand public (et lui valoir un Oscar) ; Suso Cecchi d’Amico et Ennio Flaiano avaient travaillé au scénario du film, afin de lui donner une couleur locale plus authentique, et c’est à cette occasion qu’ils avaient fait la connaissance de la jeune actrice. 

« La nouvelle venue était ravissante. Ses débuts à l’écran n’ont-ils pas été les plus éclatants de toute l’histoire du cinéma ? À quelle star d’aujourd’hui pouvons-nous la comparer ? Qui d’autre a influencé autant qu’elle l’attitude, le look, la façon de s’habiller de toute une génération ? La Julia Roberts de Pretty woman ? La malheureuse Lady Diana ? Totò aurait répondu : «Ma mi faccia il piacere !» [«Mais vous voulez rire !»]. Aujourd’hui encore, plus de cinquante ans plus tard, la présence d’Audrey illumine le petit film de Wyler, fort heureusement en noir et blanc, comme jamais aucune actrice avant elle n’avait illuminé un film, à l’exception de Louise Brooks. Un remake de Vacances romaines serait inconcevable (en fait, il y en a bien eu un, avec Tom Conti, mais personne ne l’a vu). Audrey Hepburn était unique, et elle l’est restée à jamais. Sans être le moins du monde mielleuse ou mièvre, il émanait d'elle une grâce et une innocence juvénile, et dans le même temps un raffinement et une maîtrise tempérés par une pointe d’espièglerie (sa spontanéité était en fait une recréation, comme celle des marionnettes de Kleist) ; elle avait des yeux immenses, un sourire irrésistible, et elle était si photogénique que cela frisait l'indécence. Je crois bien qu’aujourd’hui encore, personne n’a eu plus de couvertures qu’elle, au moins de revues sur papier glacé. Née à Bruxelles, elle a grandi en Hollande (où ses parents s’étaient réfugiés pendant la guerre : elle me raconta un jour que pendant deux ans, elle n’avait mangé que des endives belges, ce qui est peut-être à l’origine de sa maigreur légendaire) et a fait son éducation à Londres ; on ne pouvait par conséquent l’associer à aucun lieu en particulier, son charme était platonicien, c'est-à-dire idéal, absolu. Elle réunissait en elle l’understatement britannique, l’élégance française et l’absence de préjugés américaine, en les harmonisant avec une application disciplinée et scrupuleuse. »

Masolino d'Amico Persone speciali, Sellerio editore, Palermo, 2012 (Traduction personnelle)














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