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samedi 14 octobre 2017

Per la centesima volta (Pour la centième fois)



Con una incansable vigilancia mantuve el espíritu libre de inquietudes. He procurado no investigar los actos de Faustine ; olvidar los odios. Tendré la recompensa de una eternidad tranquila ; más aún : he llegado a sentir la duración de la semana.


Adolfo Bioy Casares  La Invención de Morel


On soupe... on sort... Bauby pérore...
Dans ton regard couvert,
Faustine, rit un matin vert...
... Amour, divine aurore.

Paul-Jean Toulet  Les Contrerimes





Anoche, por centésima vez, me dormí en esta isla vacía... Viendo los edificios pensaba lo que habría costado traer esas piedras, lo fácil que hubiera sido levantar un horno de ladrillos. Me dormí tarde y la música y los gritos me despertaron a la madrugada. La vida de fugitivo me aligeró el sueño : estoy seguro de que no ha llegado ningún barco, ningún aeroplano, ningún dirigible. Sin embargo, de un momento a otro, en esta pesada noche de verano, los pajonales de la colina se han cubierto de gente que baila, que pasea y que se baña en la pileta, como veraneantes instalados desde hace tiempo en Los Teques o en Marienbad.

Adolfo Bioy Casares  La Invención de Morel


Ieri notte, per la centesima volta, mi sono addormentato in quest'isola vuota... Guardando i fabbricati pensavo quanto doveva essere costato portare li quelle pietre, come sarebbe stato piú facile costruire un forno di mattoni. Mi addormentai sul tardi e all'alba mi svegliarono la musica e il vociare. La vita di fuggiasco mi ha reso il sonno leggero : sono certo che non è arrivata nessuna nave, nessun aereo, nessun dirigibile. Eppure, improvvisamente, in questa greve notte d'estate, i campi erbosi sulla collina si sono riempiti di gente che balla, che passeggia, che fa il bagno nella piscina, come villeggianti sistemati da molti giorni a Los Teques o a Marienbad.

Adolfo Bioy Casares  L'Invenzione di Morel


La nuit dernière, pour la centième fois, je me suis endormi dans cette île déserte... Considérant les bâtiments, je songeais à ce qu'il en avait coûté d'amener cette pierre de taille, et combien il eût été plus facile de construire un four à briques. Je ne trouvai le sommeil que fort tard et la musique et les cris m'ont réveillé à l'aube. La vie de fugitif m'a rendu le sommeil léger : je suis sûr de n'avoir entendu arriver aucun bateau, aucun avion, aucun dirigeable. Et pourtant, en un instant, dans cette lourde nuit d'été, les flancs broussailleux de la colline se sont couverts de gens qui dansent, se promènent et se baignent dans la piscine, comme des estivants installés depuis longtemps à Los Teques ou à Marienbad.

Adolfo Bioy Casares  L'Invention de Morel








 


Images, en haut : Site Flickr

en bas, L'Année dernière à Marienbad, d'Alain Resnais (1961)


1 commentaire:

  1. oui, on peut se sentir seul au milieu de la foule, aussi seul que dans une île déserte, aussi seul que ce personnage qui avance sur ce tapis feutré, aveugle, si ce n'est pour accrocher ses regards à cette enfilade de somptueux plafonds et candélabres, seul, sans aucun visage, aucune voix, comme un "poisson qui coule dans l'eau fermée" (ça c'est de Supervielle).
    Il y a toujours une certaine solitude dans votre écriture, dans les images que vous proposez, comme si vous écriviez d'ailleurs, de l'autre côté du monde, établi dans le silence...

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