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mardi 22 décembre 2009

Rues de Parme – extérieur jour


Gros plan de Fabrizio : un visage pour un instant anonyme, puis prennent vie les yeux encore naïfs de vingt-trois ans, puis le profil intelligent, rigoureux. Quand nous le découvrirons en pied, il semblera harmonieux dans ses un-mètre-quatre-vingt-trois, ses flancs étroits, ses longs bras et ses mains abandonnées. Fabrizio, de face, marche dans une rue (arrière-plan flou). Travelling arrière suivant son rythme. C'est sa voix que nous entendons depuis le début : calme et sévère, jamais humble, jamais ironique.

FABRIZIO. «Et pourtant, Eglise, j'étais venu à toi. / Je tenais serrés dans ma main / Pascal et les chants du peuple grec.»

Autre plan rapproché : il court (même travelling), face à nous.

VOIX OFF FABRIZIO. «La Résistance balaya / avec ses rêves neufs le rêve des régions / fédérées dans le Christ, et son doux et ardent / rossignol. / Malheur à qui ne sait pas que cette foi chrétienne / est bourgeoise dans le signe / de chaque privilège, de chaque reddition / de chaque servitude ; que le péché / n'est que le crime de lèse certitude quotidienne, haï / par peur et par aridité.»

Début musique clavecin (thème principal).

VOIX OFF FABRIZIO. «Malheur à qui ne sait pas que l'Eglise / est le cœur impitoyable de l'Etat.» (Tous les passages entre guillemets sont extraits de La Religione del mio tempo, de P.P. Pasolini) Comme en rêve viennent à ma rencontre les portes de la ville...

Plan général (en avion) de Parme, survolant la ville.

VOIX OFF FABRIZIO (suite). ...les remparts, les barrières de la douane, les clochers comme des minarets, les coupoles comme des collines de pierre, les toits gris, les loges ouvertes...

Plongée verticale vers le fleuve et un pont.

VOIX OFF FABRIZIO (suite). ...et en bas, plus bas, les rues, les faubourgs, les places, la place. Et au milieu, il y a le torrent, la Parma, le fleuve qui sépare les deux villes, les riches des pauvres. Et encore la place, au cœur même de la ville et pourtant si proche des champs que certaines nuits, l'odeur du foin y arrive.

Travelling avant en voiture débouchant sur la grande place (la place Garibaldi). Quelques piétons et voitures. Travelling faisant le tour complet de la place et terminant sur la statue de Garibaldi.


VOIX OFF FABRIZIO (suite). La place, et nous dedans, qui nous sentons comme dans une grande arène murée.
Plan rapproché : Fabrizio marche. Des pigeons s'envolent autour de lui.
VOIX OFF FABRIZIO (suite). Voilà : je marche au milieu de figures, en dehors de l'Histoire, éloignées... (travelling latéral en plan américain suivant Fabrizio qui marche dans la foule) ...des figures en qui préexiste seulement l'Eglise...

Plan moyen et travelling latéral contraire : Fabrizio marchant dans la foule.

VOIX OFF FABRIZIO (suite). ...en qui le Catholicisme a étouffé tout désir de liberté.

Il marche parmi des gens qui discutent par petits groupes compacts sur la place.



VOIX OFF FABRIZIO (suite). Ce sont mes semblables, les bourgeois de Parme, ceux de la messe de midi. (Plan américain serré sur son profil gauche. Il court.) Je me demande s'ils sont jamais nés. Si le présent résonne en eux comme il résonne en moi sans pouvoir se consumer.

Plongée générale sur la ville et reprise de la musique de clavecin. Plan américain serré de Fabrizio courant face à nous travelling arrière).



VOIX OFF FABRIZIO (suite). Clelia !

Plongée sur la ville. Les églises.

VOIX OFF FABRIZIO. Nous étions fiancés depuis toujours, prédestinés l'un à l'autre.

Plan général vers la porte ensoleillée d'une église. Un jeune homme blond (Agostino), plus jeune que Fabrizio, en sort et marche.

VOIX OFF FABRIZIO (suite). Mais Clelia est la ville. Clelia est cette partie de la ville que j'ai refusée.

Le jeune homme croise les bras et marche devant le porche.



VOIX OFF FABRIZIO (suite). Clelia est cette douceur de vivre que je ne veux pas accepter.

Le jeune homme se tourne et appelle, hors champ.

AGOSTINO. Fabrizio !

Il s'avance. Fabrizio entre dans le champ.


AGOSTINO. Je te l'ai trouvée. Elle est ici avec sa mère.



Il montre la porte de l'église. Les deux se dirigent vers la porte.

VOIX OFF FABRIZIO. Pour cela, par un dernier acte d'amour désespéré, j'ai erré à travers les églises à la recherche de Clelia. Je l'ai trouvée et j'ai voulu la regarder pour la dernière fois.

Découpage de la séquence d'ouverture de Prima della Rivoluzione,
de Bernardo Bertolucci L'Avant-Scène cinéma, n. 82, juin 1968.

Sources des images :

Photos en noir et blanc extraites du film : Site

Piazza Garibaldi, Parme (photo en noir et blanc) : Site Flickr

Piazza Garibaldi, Parme (photo en couleurs) : Site Flickr

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