Le domeniche azzurre della primavera.
La neve sulle case come una parrucca bianca.
Le passeggiate degli amanti lungo il canale.
Fare il pane la mattina di domenica.
La pioggia di Marzo che batte sui tegoli grigi.
Il glicine fiorito su pel muro.
Le tende bianche alle finestre del convento.
Le campane del sabato.
I ceri accesi davanti alle reliquie.
Gli specchi illuminati nelle camere.
I fiori rossi sopra la tovaglia bianca.
Le lampade d’oro che s’accendono la sera.
I crepuscoli di sangue che muoion sulle mura.
Le rose sfogliate sul letto dei malati.
Suonare il pianoforte un giorno di festa.
Il canto del cuculo nella campagna.
I gatti sopra i davanzali.
Le candide colombe sui tetti.
Le malve nelle pentole.
I mendicanti che mangian sulle soglie delle chiese.
I malati al sole.
Le bambine che si pettinano l’oro al sole sulle porte.
Le donne che cantano alle finestre.
Les dimanches d'azur du printemps. La neige sur les maisons comme une perruque blanche. Les promenades des amants le long du canal. Faire le pain le dimanche matin. La pluie de Mars qui bat sur les tuiles grises. La glycine fleurie sur le mur. Les rideaux blancs aux fenêtres du couvent. Les cloches du samedi. Les cierges allumés devant les reliques. Les miroirs illuminés dans les chambres. Les fleurs rouges sur la nappe blanche. Les lampes dorées qui s'allument le soir. Les crépuscules sanglants qui meurent sur les murs. Les roses effeuillées sur les lits des malades. Jouer du piano un jour de fête. Le chant du coucou dans la campagne. Les chats sur les rebords des fenêtres. Les colombes blanches sur les toits. Les mauves dans les casseroles. Les mendiants qui mangent sur les seuils des églises. Les malades au soleil. Les fillettes qui peignent leurs cheveux blonds au soleil sur les pas des portes. Les femmes qui chantent aux fenêtres. (Traduction personnelle)
Chers amis, l'état de plus en précaire de ma santé et la terrible dépression qui s'empare de moi à l'idée que je ne pourrais plus écrire et lutter pour la liberté de Cuba me conduisent à mettre fin à mes jours. (...) Je vous laisse en héritage toutes mes craintes, mais aussi l'espoir que Cuba sera bientôt libre. Je suis heureux d'avoir pu contribuer, même de façon modeste, à l'avènement de cette liberté. Je mets volontairement fin à mes jours parce que je ne peux plus travailler. Personne dans mon entourage n'est responsable de cette décision. Le seul responsable, c'est Fidel Castro. Les souffrances de l'exil, la douleur du déracinement, la solitude et les maladies contractées en exil, je n'en aurais pas souffert si j'avais pu continuer à vivre librement dans mon pays. J'exhorte le peuple cubain, sur l'île ou en exil, à continuer à lutter pour la liberté. Ce n'est pas un message de défaite, mais de lutte et d'espoir. Cuba sera libre. Moi, je le suis déjà.
(dernière lettre de Reinaldo Arenas, écrivain et poète cubain, peu avant sa mort, le 7 décembre 1990 à New York)
Autoepitafio
Mal poeta enamorado de la luna,
no tuvo más fortuna que el espanto ;
y fue suficiente pues como no era un santo
sabía que la vida es riesgo o abstinencia,
que toda gran ambición es gran demencia
y que el más sordido horror tiene su encanto.
Vivió para vivir que es ver la muerte
como algo cotidiano a la que apostamos
un cuerpo espléndido o toda nuestra suerte.
Supo que lo mejor es aquello que dejamos
— precisamente porque nos marchamos.
Todo lo cotidiano resulta aborrecible,
sólo hay un lugar para vivir, el imposible.
Conoció la prisión, el ostracismo, el exilio,
las múltiples ofensas típicas de la vileza humana ;
pero siempre lo escoltí cierto estoicismo
que le ayudó a caminar por cuerdas tensas
o a disfrutar del esplendor de la mañana.
Y cuando ya se bamboleaba surgía una ventana
por la cual se lanzaba al infinito.
No quiso ceremonia, discurso, duelo o grito,
ni un túmulo de arena donde reposase el esqueleto
(ni después de muerto quiso vivir quieto).
Ordenó que sus cenizas fueran lanzadas al mar
donde habrán de fluir constantemente.
No ha perdido la costumbre de soñar :
espera que en sus aguas se zambulla algún adolescente.
Reinaldo Arenas, Nueva York, 1989
Autoepitaffio
Cattivo poeta innamorato della luna,
non ebbe più fortuna che lo spavento ;
e fu sufficiente perché dato non era un santo
sapeva che la vita è rischio o astinenza
che ogni gran ambizione è gran demenza
e che il più sordido orrore ha il suo incantesimo.
Visse per vivere che è vedere la morte
come qualcosa di quotidiano sulla quale scommettiamo
un corpo splendido o tutta la nostra fortuna.
Seppe che la cosa migliore è quella che lasciamo
— precisamente perché andiamo via.
Tutto il quotidiano risulta odioso,
c' è solo un posto per vivere, l'impossibile.
Conobbe la prigione, l'ostracismo, l'esilio,
le multiple offese tipiche della viltà umana ;
però sempre lo scortò un certo stoicismo
che l'aiutò a camminare attraverso gli archi tesi
o a godere dello splendore della mattina.
E quando ormai tentennava sorgeva una finestra
per la quale si lanciava nell'infinito.
Non volle cerimonia, discorso, dolore o grido,
né un tumulo di sabbia dove riposasse lo scheletro,
(nemmeno dopo morto volle vivere tranquillo).
Ordinò che le sue ceneri fossero lanciate al mare
là dove fluiranno costantemente.
Non ha perso l'abitudine di sognare :
aspetta che nelle sue acque si tuffi qualche adolescente.
Reinaldo Arenas, New York, 1989
Autoépitaphe
Mauvais poète amoureux de la lune,
il n'eut d'autre fortune que l'effroi ;
et ce fut suffisant puisque, n'étant pas un saint,
il savait que la vie est risque ou abstinence,
que toute ambition démesurée est une folie
et que la plus sordide horreur a son charme.
Il a vécu pour vivre, c'est-à-dire pour voir la mort
comme une chose quotidienne sur laquelle nous parions
un corps splendide ou notre destin tout entier.
Il a su que le meilleur est ce que nous laissons
— précisément parce que nous partons.
Le quotidien tout entier est odieux,
il n'y a qu'un seul endroit vivable : l'impossible.
Il a connu la prison, l'ostracisme, l'exil,
les multiples offenses qu'inflige la lâcheté humaine ;
mais il ne s'est jamais départi d'un certain stoïcisme
qui l'a aidé à marcher en équilibre sur la corde tendue
ou à goûter la splendeur de l'aurore.
Et quand il lui arrivait de vaciller, toujours surgissait une fenêtre
par laquelle il s'élançait vers l'infini.
Il n'a voulu ni cérémonie, ni discours, pas de douleur et pas de plainte,
aucune terre pour y ensevelir ses os,
(même après sa mort, la tranquillité lui faisait horreur).
Il a ordonné que ses cendres soient jetées à la mer,
livrées pour l'éternité au tumulte des flots.
Il n'a pas perdu l'habitude de rêver :
il espère que dans ces eaux quelques adolescents viennent plonger.
Reinaldo Arenas, New York, 1989 (Traduction personnelle)
Un homme pénètre dans une église et on ne voit d’abord que son ombre ; on n’entend que le bruit de ses pas qui résonnent dans l’espace immense, parmi les colonnes de marbre. Nous sommes à Rome, dans la basilique de Saint-Pierre-aux-Liens, située entre le forum romain et Sainte-Marie-Majeure. L’homme, c’est Michelangelo Antonioni, qui se met ici en scène dans ce qui sera son tout dernier film, un court-métrage intitulé Lo Sguardo di Michelangelo [Le Regard de Michel-Ange], tourné en 2004, trois ans avant la mort du cinéaste, alors âgé de quatre-vingt-douze ans. On le sait, Antonioni avait été victime quelques années auparavant d’un accident vasculaire cérébral qui l’avait laissé partiellement paralysé et totalement privé de l’usage de la parole.
Filmé en contre-plongée, il se dirige lentement vers le joyau de l’église : le tombeau du Pape Jules II, réalisé par Michel-Ange. Le regard de Michelangelo se lève vers ces marbres immenses, et la caméra s’arrête en gros plan sur les yeux clos du pontife ; de lents panoramiques explorent les statues tandis que par une série de champs-contrechamps s’installe un échange de regards silencieux entre le cinéaste et la figure centrale de cet ensemble : le terrible Moïse au regard furieux qui lui fait face. Dans son ouvrage Je cherche l’Italie, Yannick Haenel évoque de façon saisissante cette rencontre : « D’un silence à l’autre, qu’est-ce qui se passe ? De quelle nature est le passage entre le Moïse de Michel-Ange et son homonyme antonionien ? Est-ce le Moïse de Michel-Ange qui offre quelque chose à Antonioni, ou celui-ci qui fait de son mutisme une offrande ? La transparence inquiète de cet échange convoque dans sa mélancolie des figures immémoriales : sans doute Antonioni vient-il à la fois saluer la beauté et annoncer sa sortie, comme si, une fois son parcours artistique bouclé, il s’agissait encore de s’exposer au verdict de l’art, à la terrible endurance de son regard : rencontrer son propre silence dans le marbre, c’est se mesurer à l’énigme de la transfiguration. »
Pendant un long moment, le duel se poursuit : les pupilles furieuses de Moïse, son inflexibilité marmoréenne face à la fragilité du cinéaste. La caméra s’approche au plus près du marbre dont elle explore les volutes, bientôt rejointe par la main tavelée et ridée du cinéaste, qui frôle et caresse la statue, comme pour en approcher le mystère. Les mains cherchent à dire ce que la bouche ne peut plus exprimer, mais en vain ; l’index se pose une dernière fois sur les lèvres tandis que de nouveau s’impose le regard outragé de la statue, qui perfore l’image.
Ce rendez-vous avec la beauté et le divin nous fait aussi penser à la rencontre de Don Juan avec le Commandeur, cette terrifiante figure de pierre qu’évoque ici le Moïse de marbre, avec son regard bondissant et pétrifiant, que même la caméra renonce à soutenir, se réfugiant dans le flou d’un fondu-enchaîné.
Toujours en contre-plongée, le regard de Michelangelo se tourne alors vers l’une des figures qui entourent le Prophète, celle de Rachel, les mains jointes. Une dernière fois, la main effleure le marbre, semble parfois vouloir s’y poser, tandis que les bruits étouffés du dehors sont peu à peu recouverts par les notes du Magnificat de Palestrina, sur lesquelles le cinéaste s’éloigne à pas lents, s’immobilisant soudain le temps d’un dernier regard vers le tombeau qu’un plan large nous montre pour la première fois tout entier. On le voit de loin traverser la basilique et se diriger vers le rai de lumière qui surgit d’une porte étroite qu’il va bientôt franchir, avant un ultime fondu au noir : ce sera la dernière image de toute son œuvre, tandis que sur l'écran déserté le mystère se creuse et s’épuise dans les volutes sonores du Magnificat.