La Premiata Forneria Marconi (PFM) canta Impressioni di settembre (Impressions de septembre) (Mogol e Mauro Pagani – Franco Mussida, 1971) :
Quante gocce di rugiada intorno a me
cerco il sole, ma non c'è.
Dorme ancora la campagna, forse no,
è sveglia, mi guarda, non so.
Già l'odor di terra, odor di grano
sale adagio verso me,
e la vita nel mio petto batte piano,
respiro la nebbia, penso a te.
Quanto verde tutto intorno, e ancor più in là
sembra quasi un mare d'erba,
e leggero il mio pensiero vola e va
ho quasi paura che si perda...
Un cavallo tende il collo verso il prato
resta fermo come me.
Faccio un passo, lui mi vede, è già fuggito
respiro la nebbia, penso a te.
No, cosa sono adesso non lo so,
sono un uomo, un uomo in cerca di se stesso.
No, cosa sono adesso non lo so,
sono solo, solo il suono del mio passo.
E intanto il sole tra la nebbia filtra già
il giorno come sempre sarà.
Toutes ces gouttes de rosée autour de moi
je cherche le soleil, mais il n'est pas là.
La campagne dort encore, ou peut-être pas,
elle s'est réveillée et me regarde, je ne sais pas.
Déjà l'odeur de la terre, odeur de blé,
monte lentement vers moi,
et la vie bat doucement dans ma poitrine,
je respire la brume, je pense à toi.
Tant de vert tout autour, et encore plus loin
l'herbe est comme une mer,
et mes pensées légères s'envolent et s'en vont
j'ai presque peur qu'elles se perdent...
Un cheval se retourne vers le pré
il reste immobile comme moi.
J'avance d'un pas, il me voit, il s'est enfui déjà,
je respire la brume, je pense à toi.
Non, je ne sais pas ce que je suis en cet instant, je suis un homme, un homme à la recherche de lui-même. Non, je ne sais pas ce que je suis en cet instant,
je suis seul, il n'y a que le bruit de mes pas.
Et dans la brume le soleil perce déjà
cette fois encore le jour se lèvera.
(Traduction personnelle)
Images : en haut, Manuela (grazie per questa meravigliosa foto) (Site Flickr)
Le musée de Bastia se trouve au cœur de la citadelle, dans l’ancien palais des gouverneurs génois. On peut y voir en ce moment, jusqu’au 4 octobre, l’exposition Abîmes Abysses de Jean-Paul Marcheschi, dont la maison natale se trouve au 12 de la rue Spinola, c’est-à-dire à quelques mètres de ce lieu qui accueille aujourd’hui quelques-unes de ses œuvres, nées des pinceaux de feu, de la cendre, de l’encre, de la cire, de la suie...
Puis, dans un parcours vertical inspiré de Dante, de l’obscurité vers la lumière, le visiteur descend d’abord dans les profondeurs de la citadelle, vers les anciens cachots, où il pénètre dans un premier abîme : le chant des âmes errantes, le gouffre ou le promontoire des étoiles, une contemplation de la nuit par un grand ensemble d’animaux sculptés (oiseaux, tortues, sangliers), le chant des suicidés, inspiré du chant XIII de L’Enfer ; puis un deuxième abîme : l'arbre, la chute d’un corps dans l’air noir.
Âmes errantes, 2015
Le gouffre (détail), 2015
Inferno, XIII, (les Suicidés), 1999
Des antiphonaires rétroéclairés forment ensuite un chemin qui conduit aux citernes, où l’on peut voir des extraits du cycle du Phâo (le frère visité par l’ange, l’amphithéâtre des morts, le rêve, le plongeur de Paestum) et une merveilleuse évocation de la lune vague en hommage à Mizoguchi (et peut-être aussi à Leopardi).
Sur un conte de la lune vague (détail)
Sur un conte de la lunevague (détail)
On remonte ensuite vers l’entresol et la lumière, avec la salle des astres clairs et des immatériaux, des boîtes à lumière et des sculptures de suie sur plexiglas.
Au centre, le lac des trois météores et, de part et d'autre, deux grandes compositions : à gauche des Ur-visages, arcanes de la nuit ; à droite, un ensemble important extrait des 11.000 nuits. Le Lac du sommeil et de l’oubli est accompagné de pages d'antiphonaires disposées sur l'un des murs ; sur l'autre, un extrait de la suite Stromboli. On se dirige ensuite vers le studiolo (La salle des livres rouges) : sur des lutrins sont disposés des livres rouges ouverts et, au-dessus, des pages de livres peints. L'ensemble est surplombé d'un grand vitrail d'où l’on aperçoit la Terre. On visite ensuite la salle des tempêtes, des feux rouges, du sanglier. Enfin, au terme du périple, la salle du fond de l’eau où sont évoqués les phénomènes de photoluminescence, les organismes du fond de l'eau : cœlacanthes, posidonies, coraux... Un bateau est dirigé vers la baie vitrée qui donne sur le port, et la grande mer de Toscane où va se perdre le regard du visiteur.
Lac du sommeil et de l'oubli
Extrait des Livres rouges
Extrait des Livres rouges
La Terre, 2015
Volcan, 2014
Cercle rouge avec sciarra, 2014
Sanglier, 2014
Raülh, 2000
Carré rouge, 2014
Bateau (détail), 2014
Le bateau
Je cite ici la conclusion du très beau texte de Françoise Graziani, que l’on peut lire dans le catalogue de l’exposition :
« Dante appelle alta fantasia la science qui accorde mémoire et imagination pour concevoir des songes et des fictions. Mais l’accord de ces deux mots, alta fantasia, est intraduisible : il indique un mouvement contradictoire qui consiste à parcourir mentalement des profondeurs abyssales en reliant le plus haut et le plus bas, l’élévation sublime qui "figure" le Paradis et la plongée vers la profondeur des gouffres infernaux. La haute mer, le haut du ciel et la haute montagne sont qualifiés du même nom dans les langues ancienne. Et dans les visages peints par Marcheschi, la profondeur du noir de fumée révèle une communauté entre des vivants et des morts qui sont tous nos contemporains, comme ceux auxquels la "haute imagination" de Dante a donné lieu dans sa mémoire.
O mente che scrivesti cio ch’io vidi ! Dans la citadelle de la mémoire où sont configurés des mythes, des traces de lectures, s’écrivent des choses vues, des pensées et des sensations. Ainsi le peintre nous fait traverser l’humain (peut-être est-ce là ce que Dante signifie quand il parle de trasumanar) en parcourant des abîmes de pierre et d’eau saturés de rencontres, de visions et d’émotions. »
Merci à Mathieu François du Bertrand pour ses belles photographies de l'exposition (Site Flickr)
Délivre-moi, Seigneur, de la mort éternelle, en ce jour redoutable où le ciel et la terre seront ébranlés, quand tu viendras éprouver le monde par le feu.
Ricorditi, lettor, se mai ne l’alpe
ti colse nebbia per la qual vedessi
non altrimenti che per pelle talpe,
come, quando i vapori umidi e spessi
a diradar cominciansi, la spera
del sol debilemente entra per essi ;
e fia la tua imagine leggera
in giugnere a veder com’io rividi
lo sole in pria, che già nel corcar era.
Sì, pareggiando i miei co’ passi fidi
del mio maestro, usci’ fuor di tal nube
ai raggi morti già ne’ bassi lidi.
(Dante, Purgatorio, canto XVII)
Rappelle-toi, lecteur, si jamais dans l'alpe
t'a surpris un brouillard, qui a rendu ta vue
semblable à celle des taupes, à travers leur taie,
comme quand les vapeurs humides et denses
commencent à se dissiper, la sphère du soleil
y fraie faiblement son chemin ;
ainsi ton imagination comprendra aisément
comment je revis alors le soleil
qui déjà était sur le point de se coucher.
Ainsi, réglant mes pas sur les pas fidèles
de mon maître, je sortis de ce nuage
vers les rayons de lumière, déjà éteints sur les bas rivages.
Franco Interlenghi est mort le dix septembre, à l'âge de 83 ans. Les passionnés du cinéma italien se souviennent bien sûr de son premier rôle, à quinze ans : dans le Sciuscià de Vittorio De Sica, il est Pasquale, l'un des jeunes cireurs de chaussures qui tentent de survivre dans la Rome de l’immédiat après-guerre (le film date de 1946, et le tournage est contemporain des événements que le film relate, comme c'était la règle à l'époque du néo-réalisme). L'acteur a souvent raconté les circonstances qui l'ont conduit à faire du cinéma : « C'était en juillet 1945, j'habitais à Rome, dans la via Palestro. Je jouais avec mes amis devant une villa anglaise qui plus tard, en 1948, fut détruite dans un attentat terroriste. Nous avions des jeux simples ; à l'époque, nous n'avions pas beaucoup de moyens à notre disposition : on s'amusait à se lancer un bout de bois. Dans mon immeuble habitait un homme qui travaillait dans le cinéma, c'était un homme âgé plutôt quelconque ; il se mit à la fenêtre de son appartement, sans doute agacé par nos cris, et nous dit : mais qu'est-ce que vous fichez ici ? Allez à via Po, il y a Vittorio De Sica qui cherche de jeunes garçons pour tourner un film. On y est allés, et il y avait une queue qui arrivait jusqu'à piazza Fiume. À l'époque, tout le monde avait faim, et le cinéma représentait une possibilité pour sortir de la misère ; tout le monde tentait sa chance, ne serait-ce que pour un rôle de figurant. J'arrivai finalement devant De Sica et il me demanda si je savais me battre. Je lui répondis que non. Il appela donc le suivant, et je fus très déçu. Je me remis dans la file, et me retrouvai de nouveau devant lui. Il me reposa la même question, et cette fois-ci, je répondis que j'avais l'habitude de me battre à coups de poings avec mon frère, avec mes amis, et même que je fréquentais une salle de boxe... De Sica demanda à ses assistants de prendre mes coordonnées, et c'est comme ça que tout a commencé ! »
Avec Rinaldo Smordoni, dans Sciuscià (1946)
Pour la plupart, ces jeunes gens choisis dans la rue ne feront pas carrière dans le cinéma et resteront les protagonistes d'un seul film (un peu comme les "modèles" bressoniens) ; il n'en ira pas de même pour Interlenghi qui enchaînera les films à la fin des années quarante et pendant toutes les années cinquante, avec les cinéastes les plus brillants de l'époque : en 1949, il tourne avec Blasetti (Fabiola) et l'année suivante, Luciano Emmer lui offre l'un de ses plus beaux rôles, dans un film peu connu en France, hélas, Domenica d'agosto (Dimanche d'août, un titre qui a pour nous des résonances modianesques). Comme son titre l'indique, le film est fidèle à l'unité de temps, puisqu'il raconte la journée du 7 août dans la Rome de l'après-guerre, où l'on va suivre les pérégrinations de plusieurs personnages qui se retrouvent tous à la plage d'Ostie (le film est aussi connu parce qu'il offre un premier vrai rôle à Marcello Mastroianni, qui n'avait été jusque là que figurant).
Avec Antonella Lualdi, dans Gli Innamorati (1955)
Interlenghi tournera aussi avec Luigi Zampa (Processo alla città), Mario Soldati (La Provinciale), Antonioni (I Vinti), Rossellini (Il Generale della Rovere et Viva l'Italia), et surtout Bolognini qui lui donne trois rôles marquants : dans Gli innamorati (Les Amoureux, titre prédestiné puisqu'il y joue avec Antonella Lualdi, qui deviendra son épouse pour soixante ans de vie commune !), Giovani Mariti (Jeunes maris) et La Notte brava (Les Garçons), ces deux derniers titres sur des scénarios de Pasolini). C'est dans ces mêmes années qu'il tourne avec Fellini I Vitelloni (en 1953) ; il interprète le rôle de Moraldo, sans doute le plus mémorable de sa carrière avec le Pasquale de Sciuscià. On remarquera qu'il n'a jamais tourné avec Visconti, mais que ce dernier l'a dirigé trois fois au théâtre, en particulier dans Mort d'un commis-voyageur, d'Arthur Miller (1949).
Avec Brigitte Bardot, dans En cas de malheur (1958)
Dans ces années glorieuses, la carrière de Franco Interlenghi a été aussi internationale, puisqu'on le retrouve notamment dans La comtesse aux pieds nus de Mankiewicz (1954), L'Adieu aux armes de Charles Vidor (1957), En cas de malheur (en italien La Ragazza del peccato), de Claude Autant-Lara, au côté de Brigitte Bardot (1958). Il faut malheureusement reconnaître que son étoile n'a plus été aussi brillante après ces miraculeuses années, mais il n'a jamais cessé de tourner (au cinéma et surtout à la télévision) ni de jouer au théâtre. Il a conservé en Italie une grande popularité, d'autant plus que c'était aussi dans la vie un homme très sympathique ; et tant qu'il y aura des amoureux du grand cinéma italien, ils se souviendront en pensant à lui combien les dimanches d'août étaient beaux, en noir et blanc...
Gli innamorati (Les Amoureux), de Mauro Bolognini (1955)
Françoise Hardy chante Tu ressembles à tous ceux qui ont eu du chagrin (Paroles et musique : Françoise Hardy, 1970) :
Tu ressembles à tous ce qui ont eu du chagrin
mais le chagrin des autres ne m'intéresse point
parce que les yeux des autres sont moins bleus que les tiens.
Et comme tous les gens qui ont eu du chagrin
ton visage souvent a l'air dur et lointain
mais le visage des autres est moins beau que le tien.
À cause d'un regard, à cause d'un chagrin
je voudrais dire "je t'aime" et je voudrais dire "viens"
mais ce n'est pas possible d'être sûre du bien
ni du mal qu'on va faire, alors je ne dis rien.
J'aurais peur moi aussi de te faire du chagrin
et pourtant aujourd'hui c'est à toi que je tiens
et pourtant toi aussi peux me faire du chagrin
parce que les yeux des autres sont moins bleus que les tiens.
Tu mi ricordi quelli che hanno avuto un dispiacere, ma i dispiaceri degli altri non mi interessano per niente perché gli occhi degli altri non sono azzurri come i tuoi.
E come tutti quelli che hanno avuto un dispiacere il tuo viso spesso sembra cupo e distante ma il viso degli altri non è bello come il tuo...
Images : en haut et au centre, Helmut Guth (1)Le Regard(2)Vers Cully
en bas,Emilien Sallustio Autoportrait (détail) Site Flickr