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samedi 10 mars 2012

Officiers de la Garde blanche



"Chez Louise Labé, comme chez son contemporain Ronsard, les notes hautes sont données par un décor sylvestre et mythologique ; chez Louise de Vilmorin, par ses propres paroles (sa conversation ressemblait souvent à son art), et par une féerie, la féerie de L'Heure Maliciôse, que son indépendance de ballon rouge au gré du vent délivre de son époque, ce qui n'est pas rien. Les poèmes donnent d'abord l'impression d'un jeu permanent, lié à un opéra de perce-neige, de tantes, de tours, de châles, d'officiers de la garde blanche, de dormeurs vrais ou faux, de pharmaciens à bocaux, d'allées, de chemises de nuit, de voyageurs en noir..." 

André Malraux Préface aux Poèmes de Louise de Vilmorin, Gallimard, 1970 








 Officiers de la garde blanche, 
Gardez-moi de certaines pensées la nuit. 
Gardez-moi des corps à corps et de l'appui 
D'une main sur ma hanche. 
Gardez-moi surtout de lui 
Qui par la manche m'entraîne 
Vers le hasard des mains pleines 
Et les ailleurs d'eau qui luit. 
Épargnez-moi les tourments en tourmente 
De l'aimer un jour plus qu'aujourd'hui, 
Et la froide moiteur des attentes 
Qui presseront aux vitres et aux portes 
Mon profil de dame déjà morte.
Officiers de la garde blanche, 
Je ne veux pas pleurer pour lui 
Sur terre. Je veux pleurer en pluie 
Sur sa terre, sur son astre orné de buis, 
Lorsque plus tard je planerai transparente
Au-dessus des cent pas d'ennui. 
Officiers des consciences pures, 
Vous qui faites les visages beaux, 
Confiez dans l'espace au vol des oiseaux 
Un message pour les chercheurs de mesure 
Et forgez pour nous des chaines sans anneaux.

Louise de Vilmorin   Fiançailles pour rire, Gallimard, 1939





3 commentaires:

  1. Un beau poème, qui me donne envie de réformer mon ignorance sur toutes choses vilmorinesques.

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    1. Ah oui, cher ami, je vous y encourage vivement ! Le petit volume des "Poèmes" peut encore se trouver facilement sur les sites de livres d'occasion, et il est vraiment très beau.

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  2. Une lettre de Louise de Vilmorin à Francis Poulenc, où il est fait allusion aux *Fiançailles pour rire*.

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